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AVOCAT

Bon a savoir

18 Décembre 2015

L'absence de conseils avisés de l'avocat sur le délai d'appel

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Présentation des faits 1

Madame G. a fait appel à Maître T. pour assurer la défense de ses intérêts dans le cadre d’un litige l’opposant à l’Union nationale des mutualités neutres (en abrégé l’U.N.M.N.), devant le Tribunal du travail de Verviers.

Par jugement du 11 décembre 1995, le Tribunal du travail de Verviers a condamné Madame G., en sa qualité de tutrice et administratrice des biens de sa fille Carole R., également la fille de feu Monsieur R., à payer à l'U.N.M.N. une somme de 517.733 francs.

Ledit jugement fut notifié le 14 décembre 1995. Madame G. en a pris connaissance le 18 décembre 1995.

Madame G. a alors interjeté appel de ce jugement. Toutefois, elle l’a fait hors délai le 21 mars 1996, de sorte que la Cour du travail de Liège a dès lors déclaré son appel irrecevable, par un arrêt du 12 septembre 1997.

Madame G. entend donc mettre en cause la responsabilité professionnelle de Maître T., estimant qu’il a commis une faute dans le cadre de son mandat. Pour ce faire, elle a saisi le Tribunal civil de Verviers. Par son action, elle entend ainsi condamner Maître T. à lui payer une somme de 12.836,74 euros (517.833 francs) correspondant au montant qu'elle fut condamnée à payer à l'U.N.M.N.

A l’appui de son action, Madame G. soutient que Maître T. aurait méconnu la règle selon laquelle, en la matière concernée, le délai d'appel commence à courir à partir de la notification de la décision par le greffe et non à partir de sa signification.

 

Décision du Tribunal civil de Verviers

Le Tribunal civil de Verviers rappelle tout d’abord que, par courrier daté du 20 décembre 1995, Maître T. écrit aux parents de feu Monsieur R. : « J'ai reçu comme vous la copie du jugement rendu le 11 décembre par le tribunal du travail de Verviers ... Il faudrait que nous conférions de ce dossier et voir si vous souhaitez interjeter appel. Je vous propose de me téléphoner pour fixer date après les fêtes ... ».

Par une lettre du 3 janvier 1996, les parents de feu Monsieur R. indiquent à Maître T.: « Voilà, cher maître, dans l'état d'esprit où nous sommes, et dans ces conditions, nous pensons faire appel du jugement après concertation ».

Par lettre du 22 janvier 1996, Maître T. leur écrit : « Suite à notre entrevue de ce jeudi 18 janvier, je fais le nécessaire pour interjeter appel du jugement rendu le 11 décembre dernier par le tribunal du travail de Verviers, comme vous l'avez souhaité. Je vous tiendrai au courant des suites de cette affaire ».

Selon le tribunal, il ressort de ces éléments que Maître T. a incontestablement commis une faute de nature à engager sa responsabilité professionnelle. En effet, Maître T. se devait d'attirer tout particulièrement l'attention de Madame G. sur l'importance de l'avertir le plus rapidement possible de sa décision d'interjeter ou non appel, ce qu'il ne semble pas avoir fait au vu des éléments versés au dossier. Maître T. devait également retenir l’attention de Madame G. sur la nécessité d'être attentif au respect de ce délai, dont il avait ou devait avoir nécessairement connaissance de sa prise de cours, dans la mesure où il se référait dans son courrier à une notification du jugement du Tribunal du travail dès le 20 décembre 1995.

Le tribunal civil estime qu’à la réception du courrier des parents de feu Monsieur R. daté du 3 janvier 1996, il disposait encore de suffisamment de temps pour agir et déposer une requête d'appel en temps utile ou, à tout le moins susciter sans délai la tenue d'une réunion afin de prendre une décision définitive quant à l'appel à interjeter et cela avant même la date du 18 janvier 1996. A cette dernière date, il était évidemment trop tard pour encore pouvoir interjeter appel dans les délais.

Ainsi, tant les éléments objectifs (les courriers échangés et leur contenu) que l'attitude de Maître T. (qui ne paraît pas se presser et n'attire pas l'attention de Madame G. sur l'échéance du délai pour interjeter appel) permettent d'accréditer la thèse soutenue par Madame G. Cela explique sans doute pourquoi la requête d'appel a été déposée plus de deux mois après l'expiration du délai pour le faire.

Le tribunal considère que, ce faisant, Maître T. a privé Madame G. de faire valoir ses observations devant la Cour du travail de Liège.

S'agissant du dommage encouru par Madame G., le tribunal décide que la perte d’une chance d'un réexamen par la Cour d’appel du travail de sa cause justifie l'octroi à Madame G. d'une indemnité fixée ex æquo et bono à 2.500 euros.

 

Bon à savoir

L'avocat, qui n'attire pas l'attention de son client sur l'importance de l'avertir le plus rapidement possible de sa décision d'interjeter ou non appel et sur la nécessité d'être attentif au respect du délai d'appel, particulièrement lorsque ce dernier prend cours à partir de la notification de la décision par le greffe, commet une faute professionnelle susceptible d’engager sa responsabilité professionnelle 2.

En effet, l’absence de conseils de la part de l’avocat peut être « source de responsabilité » 3.

L’avocat veillera dès lors à donner des conseils avisés à son client et ce, afin d’éviter toute action en responsabilité intentée à son encontre.  

En tout état de cause, le non-respect d'un délai d'appel par l'avocat engage sa responsabilité professionnelle. Elle peut constituer une perte de chance pour le client dont l’évaluation se fera ex æquo et bono. Il incombe au tribunal saisi d'apprécier la mesure dans laquelle l'appel interjeté par le client aurait pu être déclaré fondé, sans cependant s'ériger en juridiction d'appel 4.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

________________

1. Tribunal civil de Verviers (6e chambre), 29 octobre 2002, J.L.M.B., 2003/38, pp. 1665-1667.

2. En ce sens : Civ. Liège, 23 mars 1990, R.G.A.R., 1992; no 12.064 ; Civ. Turnhout, 4 mai 1992, R.W., 1993-1994, p. 201 où  l’avocat avait omis dans le cas d’espèce de signaler à son client le respect du délai dans lequel les remarques à un projet d’expertise doivent être communiquées à l’expert.

3. C. MELOTTE, « La responsabilité professionnelle des avocats », in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Titre II, Dossier 28bis, p. 22.

4. Tribunal civil de Verviers (6e chambre), 29 octobre 2002, J.L.M.B., 2003/38, pp. 1665-1667.