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AVOCAT

Bon a savoir

24 Octobre 2014

Le devoir de conseil de l'avocat et le conseil manifestement erroné

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Présentation des faits 1

Maître X est avocat de la SPRL C et a repris une procédure lancée en 1993 par cette dernière contre la société voisine D. Des travaux de réparation avaient étés effectués par la société D, causant des troubles de jouissance et des préjudices commerciaux à la SPRL C.

En 1999, Maître X, cite en justice la compagnie d'assurance de la SPRL C, qui avait conclu une police d'assurance garantissant le chômage commercial en cas d'interruption d'activité. La SPRL C se plaint d'avoir été au chômage commercial pendant six mois et réclame paiement de ses indemnités, à hauteur de 1.080.000 francs belges. Le contrat d'assurance commençait en date du 1er juin 1992.

Durant le suivi de la procédure, Maître X s'est rendu compte que les traces d'humidité présentes sur le mur mitoyen, causes du sinistre impliquant le chômage commercial, apparaissaient déjà dans le procès-verbal de constat établi par l'huissier de justice en janvier 1992, soit six mois avant la prise de cours de l'assurance.

Maître X suggère alors, en 2003, l'abandon de la procédure contre la compagnie d'assurance, ce qui est accepté et confirmé par le gérant de la SPRL C. Des conclusions entérinant le désistement sont alors déposées et le Tribunal de commerce de Charleroi rend son jugement le 10 mars 2004.

En juillet 2004, Maître X fait parvenir ses états de frais et d'honoraires à la SPRL C, pour les deux dossiers qu'il a eu à mener (506,86 euros contre la compagnie d'assurance et 3299,03 euros contre la société D). Devant l'absence de paiement, il assigne la SPRL C devant le juge de paix du premier canton de Charleroi pour le dossier contre l'assurance, et devant le Tribunal de commerce de Charleroi pour le dossier contre la société D. Suivront deux jugements par défaut en 2005 faisant droit aux demandes de Maître X.

Arrêt de la Cour d'appel de Mons

Le Tribunal de commerce de Charleroi (2e chambre) rend un jugement dont appel le 20 mai 2010 qui accède partiellement aux demandes reconventionnelles de la SPRL C et qui la condamne à verser la somme de 999,03 euros seulement (avec les intérêts depuis aout 2004, capitalisés à partir de 2007) à Maître X. La SPRL C a fait appel le 10 septembre 2010.

La Cour d'appel de Mons doit se prononcer sur la thèse de la SPRL C, qui reproche la condamnation au paiement des honoraires, car son avocat n'aurait pas dû proposer le désistement de la procédure contre la compagnie d'assurance alors qu'il était possible de défendre que les dégâts des eaux étaient apparus en juillet 1992. Maître X aurait commis une faute qui, en outre, aurait abouti à la perte d'une chance de 1.080.000 francs belges, vu l'incertitude de la procédure contre la compagnie d'assurance. Maître X aurait en outre manqué également à son devoir de conseil en ne donnant pas d'informations suffisantes sur les conséquences d'un désistement d'action.

La Cour rappelle que le devoir de conseil est une obligation de moyen et que le client de l'avocat doit démontrer la faute de celui-ci. Or, en l'espèce, il n'est pas démontré qu'il y ait eu réparation des dégâts du premier sinistre (ce qui aurait pu être fait grâce à des factures), qu'il y ait eu des travaux récents (ce que ne montrent pas les photos et un second constat), qu'une nouvelle déclaration de sinistre ait été effectuée auprès de la compagnie d'assurance ou que Maître X en fut informé et finalement qu'il y ait effectivement eu des dégâts suite à un second sinistre.

Dès lors qu'il n'est pas non plus démontré que Maître X n'aurait pas informé la SPRL C des raisons du désistement d'instance (la conclusion du contrat d'assurance datant d'après le sinistre) et qu'un document prouve l'intention de se désister de l'instance dans le chef de la SPRL C, il n'est pas établi que l'avocat eut commis une faute en proposant le désistement d'instance. La Cour réforme donc le premier jugement en ce qu'il n'a pas accordé à Maître X la part d'honoraires demandée dans le cadre du litige contre l'assureur.

Bon à savoir

Le devoir général de conseil de l'avocat comporte plusieurs obligations : celle d'informer, de renseigner, de mettre en garde et de conseiller 2. Ces obligations sont, en principe, des obligations de moyen. Dès lors, le client de l'avocat qui lui réclame des dommages et intérêts pour cause de faute ou de négligence coupable doit démontrer que l'avocat a engagé sa responsabilité en manquant à son devoir de conseil.

Le client, pour engager la responsabilité de l'avocat, doit donc prouver que ce dernier ne s'est pas comporté comme tout avocat diligent et prudent placé dans les mêmes circonstances et est en déficit par rapport aux standards de comportements que l'on peut décemment attendre d'un avocat normalement compétent. La seule circonstance dans laquelle l'avocat pourrait engager sa responsabilité à cause de manquement à son devoir de conseil, une fois que la preuve en a été formellement établie par le client, est le cas d'un conseil manifestement erroné, et non simplement ses décisions stratégiques.

Le respect de ce devoir de conseil de l'avocat fait partie des conditions essentielles à l'État de droit et au bon fonctionnement d'une société démocratique 3. Ceci implique que l'avocat doit impérativement l'accomplir sans faute, mais également qu'il ne peut être établi pareille faute sur des simples motifs d'opportunité et que le doute doit lui bénéficier lorsqu'il n'est pas établi avec certitude qu'il aurait manqué à son devoir.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________ 

1. Arrêt de la Cour d'appel de Mons (6e chambre), 22 mars 2013, J.L.M.B, 29/2014, p. 1387.

2. P. Henry, « Le devoir de conseil de l'avocat et de l'huissier de justice. », in Les obligations d'information, de renseignement, de mise en garde et de conseil, Formation permanente CUP, 2006, vol. 86.

3. II. Code déontologie des avocats européens adopté lors de la session plénière du C.C.B.E. du 19 mai 2006 et mémorandum explicatif, article 1.1.