L'avocat et la convention d'honoraires
Présentation des faits 1
Dans les faits, Madame A est veuve de Monsieur B, lequel est décédé en 2008. Monsieur B était le beau-père de X, qui exerce la profession d'avocat.
Monsieur B était le légataire universel d'une dame C décédée en 1994. Maître Y, avocate, a été désigné en qualité d'administrateur provisoire de la succession de Madame C. Maître Y a constaté que l'actif successoral ne comprenait pas un important portefeuille de titres au porteur dont la défunte avait pris la précaution d'établir un inventaire manuscrit en 1989. Maître Y a été avisé de ce que les titres litigieux avaient été négociés.
Monsieur B a alors fait appel aux services de son gendre, Maître X, lequel a déposé une plainte, avec constitution de partie civile entre les mains d'un juge d'instruction. Plainte déposée à charge d'inconnu, du chef de vol simple et de recel.
L'enquête a permis de découvrir que deux cent quarante-deux titres appartenant à Madame C avaient été négociés pour son profit personnel, par un agent d'affaires.
En 2005, Monsieur B et son gendre l'avocat X ont signé une convention d'honoraires et de mandat. En vertu de celle-ci, Monsieur B a donné mandat à son conseil de négocier et de transiger, de manière à obtenir un actif hors droits de succession d'un montant minimum d'un million d'euros. La même convention a consacré un accord relatif aux honoraires et aux frais. En ce qui concerne ces derniers, ceux qui n'étaient pas couverts par les provisions antérieurement versées, il a été prévu un calcul des honoraires sur les sommes récupérées pour Monsieur B. Trois tranches étant précisées : 15 pour cent de un euro à un million d'euros, 25 pour cent entre un million d'euros et 1.250.000 euros et 50 pour cent au-delà de 1.250.000 euros.
Les parties en litige ont signé une convention de transaction. En vertu de celle-ci, la partie adverse est redevable de la somme totale de 2.517.482,03 euros.
Maître X a établi un état d'honoraires et de frais, portant sur la somme totale de 135.000 euros, soit 10.000 euros, à titre de « solde sur frais » et 125.000 euros, à titre d'honoraires. cet état contient une mention manuscrite « pour solde », figurant sous la forme d'un ajout manuscrit, en regard de la rubrique relative aux honoraires.
Les enfants du défunt ont introduit une demande en justice visant à l'annulation de la convention d'honoraires et à la condamnation de Maître X au paiement de la somme de 312.206,40 euros.
Le premier juge a considéré que la convention litigieuse constituait effectivement un pacte de quota litis prohibé par l'article 459 ancien du code judiciaire.
L'avocat X a fait appel de cette décision.
Décision de la Cour d'appel de Mons
La Cour considère que la ratio legis de l'interdiction, de ce qu'il est convenu d'appeler le pacte de quota litis, consiste principalement dans le souci de préserver l'indépendance de l'avocat, en faisant obstacle à ce que celui-ci puisse confondre ses intérêts personnels et ceux de son client.
En outre, cette interdiction peut être rapprochée de celle figurant dans l'article 1597 du code civil qui interdit notamment aux avocats d'être cessionnaires de droits litigieux.
La loi définit le pacte de quota litis comme étant celui liant les honoraires au résultat de la contestation. En effet, le montant des honoraires est lié par avance et exclusivement au résultat qui sera obtenu à la fin de la procédure. 2
Partant, il n'est pas interdit de tenir compte a posteriori du résultat obtenu. En effet, le résultat obtenu fait d'ailleurs partie des cinq critères dont l'avocat doit tenir compte lorsqu'il fixe unilatéralement ses honoraires dans le souci du respect des principes de discrétion et de juste modération consacrés par la loi, les quatre autres critères concernant respectivement à l'importance de la cause, la nature du travail, la notoriété de l'avocat et la capacité de son client. 3
Autrement dit, une convention d'honoraires combinant la rémunération horaire et la rémunération selon le résultat obtenu est licite.
A contrario, est illicite, la convention d'honoraires prévoyant (uniquement) un pourcentage des sommes récupérées.
Or, en l'espèce la convention d'honoraires lie le montant des honoraires au résultat non encore obtenu et non à un résultat déjà obtenu ou virtuellement obtenu.
Par conséquent, la Cour considère que c'est à bon droit que le premier juge a annulé la convention sur les honoraires et les frais.
Pour déterminer les frais et honoraires, la Cour invite le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Tournai à donner son avis sur le montant des honoraires et des frais revenant à Maître X, eu égard aux principes de discrétion et de juste modération consacrés par les dispositions du code judiciaire applicables en l'espèce.
Bon à savoir
Tout pacte sur les honoraires liés par avance et exclusivement au résultat de la contestation est interdit aux avocats. 4 La ratio legis de cette interdiction est de préserver l'indépendance de l'avocat.
La renonciation à invoquer la nullité d'un tel pacte ne peut être admise que si la confirmation du client a été donnée en pleine connaissance de cause et si elle est certaine. 5
L'interdiction du pacte de quota litis ne s'oppose cependant pas à ce que l'avocat tienne compte a posteriori du résultat obtenu dans la fixation des honoraires ou combine une rémunération horaire et une rémunération en fonction du résultat obtenu. 6
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1. Cour d'appel Mons (16e chambre), 11 septembre 2013, J.L.M.B., 2014/20, p. 933.
2. G. De Leval et F. Georges, Précis de droit judiciaire, Bruxelles, Larcier, 2010, tome I, p. 304, n° 470.
3. J. Bigwood, « La détermination des honoraires de l'avocat », J.T., 1999, p. 459.
4. P. Lambert, Règles et usages de la profession d'avocat du barreau de Bruxelles, Bruxelles, Nemesis, 1988, p. 491.
5. P. Henry, « Erin Brokovich contre l'Ordre de Cicéron (de la licéité de l'honoraire de résultat) » in Déontologie - Les honoraires - Le devoir de conseil, Éditions du Jeune barreau de Liège, 2005, pp. 73-83.
6. J. Bigwood, « La détermination des honoraires de l'avocat », J.T., 1999, p. 459.