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AVOCAT

Bon a savoir

23 Octobre 2015

La responsabilité de l’avocat en cas de signification d’un jugement sans en informer préalablement l’avocat de la partie adverse

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Présentation des faits 1

Monsieur F. décide de vendre une maison d’habitation à  la S.A. C., société qui comprend l’un de ses fils, Monsieur A., comme administrateur. Le compromis est daté du 17 mars 1995 et le prix de vente est fixé à 3.100.000 francs, dont un acompte de 1.450.000 francs payé le même jour.

L’acte authentique de vente n’a cependant pas été passé. La S.A. C. considère dès lors que la vente est résiliée aux torts et griefs de Monsieur F., et lui écrit un courrier le 10 juillet 1995 lui demandant le remboursement de l’acompte de 1.450.000 francs, ainsi que d’une indemnité équivalente au même montant.

Le 10 décembre 1996, Monsieur F. est cité par la S.A. C. devant le Tribunal de première instance de Bruxelles pour le remboursement de l’acompte ainsi que pour le paiement d’une indemnité.

Rendant son jugement le 1er juin 1999, le Tribunal de première instance de Bruxelles décide de sursoir à statuer, et ce afin que les parties puissent rassembler toutes les pièces du dossier répressif. En effet, Monsieur F. a porté plainte contre ses fils, Monsieur A. et Monsieur Y. pour tentative d’escroquerie, escroquerie, abus de confiance et détournement. Cette plainte a toutefois été classée sans suite.

À une audience tenue le 28 février 2000 devant le Tribunal de première instance de Bruxelles, Monsieur A. et Monsieur F. sont entendus. Il ressort de leurs explications que le but de Monsieur F. était en réalité de préserver son patrimoine en faveur de ses trois enfants, à savoir Monsieur A., Monsieur Y. et Madame J., qui est handicapée mentale et à charge de son père.

Le 24 octobre 2000, le Tribunal de première instance a déclaré l’action de la S.A. C. non fondée. Le jugement a été signifié à la S.A. C. le 4 décembre 2000.

La S.A. C. a ensuite introduit une requête d’appel contre ce jugement, qui a été déclarée irrecevable par un jugement du 30 mai 2002. La S.A. C. reproche à l’avocat de Monsieur F. de ne pas avoir respecté l’article 3 du règlement du 7 décembre 1989 de l’Ordre national des avocats sur l’avis préalable à la signification, à l’exercice d’un recours et à l’exécution des actes et décisions judiciaires, selon lequel la signification doit d’abord être signalée à l’avocat de la partie adverse. En effet, la S.A. C. lui reproche de lui avoir fait perdre la chance d’obtenir la réformation du jugement. Le premier juge a déclaré la demande recevable mais non-fondée.

 

Décision de la Cour d’appel de Bruxelles

La Cour commence par rappeler que la S.A. C. a introduit une demande contre l’assureur de l’avocat de la partie adverse, et que son action se fonde dès lors sur l’article 1382 du Code civil. La S.A. C. doit prouver l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien causal entre la faute et le dommage.

Concernant la faute, il s’agit d’un manquement à une règle déontologique, à savoir l’article 3 du règlement du 7 décembre 1989 de l’Ordre national des avocats. Ce manquement n’est, en outre, pas contesté par l’avocat.

La question posée par la Cour est dès lors la suivante : un manquement à une règle déontologique peut-il constituer une faute au sens de l’article 1382 du Code civil ? La Cour considère qu’il convient de donner une réponse positive à cette question, étant donné que la déontologie est édictée dans l’intérêt général et que le manquement à l’article 3 du règlement précité constitue dès lors une faute au sens de l’article 1382 du Code civil.

Concernant le lien de causalité, la Cour estime que celui-ci n’est pas établi en l’espèce.

En effet, elle est de l’avis de l’assureur de l’avocat de Monsieur F. qui considère que le dommage résulte de l’introduction tardive de la requête d’appel, et non du fait que le jugement a été signifié sans être signalé au préalable à l’avocat de la partie adverse.  

Par ailleurs, le jour-même où est intervenue la signification du jugement, à savoir le 4 décembre 2000, l’acte a été remis à l’administrateur-délégué de la S.A. C. Il appartenait à ce dernier d’informer son avocat qu’il avait reçu le jugement. La S.A. C. n’a finalement informé son conseil du fait qu’elle avait reçu la signification du jugement que le 12 janvier 2001. La Cour d’appel estime que c’est cette communication tardive à son avocat qui est à l’origine du dommage.

Le lien de causalité n’est dès lors pas établi puisque la S.A. C. n’est pas parvenue à démontrer que, sans la faute commise par l’avocat de Monsieur F., le dommage ne se serait pas produit tel qu’il s’est produit.

 

Bon à savoir

Lorsque l’avocat voit sa responsabilité engagée, il peut s’agir soit de sa responsabilité contractuelle soit de sa responsabilité extracontractuelle. En cas de litiges avec son client, l’avocat peut voir sa responsabilité contractuelle engagée puisqu’il est admis qu’un contrat est conclu entre ce dernier et son client 2.

À l’égard de tiers, la responsabilité extracontractuelle de l’avocat sera retenue sur la base de l’article 1382 du Code civil. La partie adverse doit dès lors prouver l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage 3.

L’article 3 du règlement du 7 décembre 1989 de l’Ordre national des avocats sur l’avis préalable à la signification, à l’exercice d’un recours et à l’exécution des actes et décisions judiciaires prévoit, par ailleurs, que « la signification ou l’exécution d’une décision judiciaire comme l’exercice d’un recours doit être précédé d’un avis à l’avocat de la partie adverse » 4.

L’avocat qui, en violation de cette règle, signifie un jugement sans en avertir l’avocat de la partie adverse, se rend coupable d’un manquement à une faute déontologique. Ce manquement à une règle de déontologie constitue une faute au sens de l’article 1382 du Code civil. Dès lors, pour autant que les autres conditions requises par l’article 1382 du Code civil soient remplies, la responsabilité extracontractuelle de l’avocat peut être engagée.

_______________

1. Bruxelles (7e chambre), 24 février 2009, J.L.M.B., 2009, liv. 30, 1430.

2. C. Melotte, « La responsabilité professionnelle des avocats », in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Titre II, Dossier 28bis, Waterloo, Kluwer, 2005, p. 8. Voy. par exemple Gand, 11 juin 1964, Pas., 1965, II, p. 102 ; Bruxelles, 10 mai 1979, Pas., 1979, II, p. 103 ; Civ. Nivelles, 28 mai 1985, R.G.A.R., 1986, no 11.091 ; Bruxelles, 4 décembre 1990, R.W., 1991-1992, p. 823.

3. Article 1382 du Code civil.

4. Article 3 du règlement du 7 décembre 1989 de l’Ordre national des avocats sur l'avis préalable à la signification, à l’exercice d’un recours et à l’exécution des actes et décisions judiciaires .