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AVOCAT

Bon a savoir

9 Octobre 2015

Le devoir de conseil de l'avocat à propos de la possibilité d'introduire une action directe

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Présentation des faits 1

Le cabinet d'avocats, SPRL X, a défendu les intérêts de la SA B dans le cadre de plusieurs dossiers, et dont notamment l’affaire SA B contre la SA D.

La SA B avait réalisé des travaux en sous-traitance pour le compte de la SA D, entrepreneur principal, dans le cadre de deux chantiers dont le maître de l'ouvrage était pour l'un la SA I et pour l'autre la SWDE. Restant impayée de deux factures émises dans le cadre de ces chantiers les 28 février 2007 et 4 octobre 2007 d’un montant respectif de 13.971 euros et 27.968 euros, la S.A. B. a consulté, en août 2009, la SPRL X en vue d'obtenir paiement de sa créance.

La SA B a ensuite assigné la SA D en paiement devant le Tribunal de commerce de Neufchâteau. La date de l’audience des plaidoiries a été fixée au 19 octobre 2010.

La SA D a été déclarée en faillite par jugement du 31 mars 2010 tandis que les curateurs n'ont pas repris l'instance en cours, à défaut d'intérêt pour la masse.

Dans ce contexte, l'affaire opposant la SA B à la SA D a été renvoyée au rôle et la SPRL X a introduit une déclaration de créance auprès du greffe du Tribunal de commerce de Nivelles.

Non satisfaite des prestations de la SPRL X, la SA B entend mettre en cause la responsabilité professionnelle de la SPRL dans le cadre du traitement de l'affaire SA B contre la SA D, et pour ce faire, l’assigne en justice. La SA B fait, en effet, grief à la SPRL X de ne pas l'avoir informée de la possibilité d'introduire une action directe contre le maître de l'ouvrage et d'avoir, à cet égard, failli à son obligation de conseil. La SA B soutient que cette absence d'information et de conseil est constitutive d'une faute en relation causale avec un préjudice dans son chef, étant la perte d'une chance de voir trancher en sa faveur l'action directe qui aurait dû être mise en œuvre.

 

Décision de la Cour d’appel de Liège

La Cour d’appel de Liège rappelle tout d’abord que l'avocat est tenu envers son client à un devoir d'information et de conseil. Ses conseils doivent être donnés d'initiative. En effet, il incombe à l’avocat d'informer son client de tous les aspects de son affaire.

La Cour d’appel précise à cet égard qu’il ne doit pas attendre passivement les instructions que le client lui donnera éventuellement, mais il doit lui-même prendre les initiatives pour le rendre attentif à des embuches, des obligations légales ou des formalités à accomplir.

En l'espèce, la SPRL X n’a pas informé la SA B de la possibilité d'introduire une action directe à l'encontre du maître de l'ouvrage. La SPRL X ne le conteste d’ailleurs pas.

Dès lors qu'il n'est pas contesté que la SA D était une entreprise ayant pignon sur rue dans son secteur et qu'aucun indice ne permettait, dans un premier temps, de suspecter l'éventualité d'une faillite de cette société, il ne peut être fait grief à la SPRL X de ne pas avoir avisé sa cliente, dès le mois d'août 2009, époque où le dossier lui a été confié, de la possibilité d'une action directe ni de ne pas avoir intenté celle-ci.

Par contre, il apparaît qu'en mars 2010, la SPRL X a eu vent de rumeurs de faillite de la SA D, rumeurs qu'elle a répercutées à la SA B par courrier du 29 mars 2010.

La Cour d’appel constate ensuite que par ce courrier, la SPRL X n'insiste nullement sur l'extrême urgence de la situation ni ne conseille d'initiative l'intentement sans délai d'une action directe, laquelle pouvait s'exercer de manière efficace et à frais réduits, moyennant l'envoi d'une simple lettre recommandée 2.

Or, selon elle, un avocat normalement prudent et diligent, placé dans les mêmes circonstances, aurait veillé à répercuter à sa cliente le plus rapidement possible (envoi d'un fax ou d'un mail, voire appel téléphonique) les rumeurs alarmantes dont question et aurait d'emblée conseillé l'exercice immédiat d'une action directe par l'envoi d'un courrier recommandé.

En se contentant d'aviser sa cliente, par courrier envoyé par la voie postale, des rumeurs les plus alarmantes, sans insister sur l'extrême urgence d'une réaction rapide par le biais d'une action directe, n'évoquant que « d'éventuelles initiatives à entreprendre » à « discuter à votre meilleure convenance », la SPRL X a donc manqué à son devoir d'information et de conseil et a commis une faute.

Par contre, et comme l'a considéré à bon droit le premier juge, il n'est pas établi à suffisance que si l'action directe avait été exercée en temps utile, elle aurait abouti à la récupération d'un montant supérieur à celui qui a, le cas échéant, été récupéré.

La SA B n'apporte en effet aucun élément probant de nature à établir qu'elle avait une chance sérieuse et réelle d'obtenir gain de cause dans une action dirigée contre le maître de l'ouvrage concerné, se contentant de supputations non autrement étayées.

Les éléments produits par la SPRL X tendent, quant à eux, à établir au contraire qu'une action directe introduite en temps utile par la SA B était vouée à l'échec.

La Cour d’appel considère qu’au vu des considérations qui précèdent, le juge a décidé à bon droit que la SA B reste en défaut de démontrer la preuve d'un lien causal entre le préjudice vanté et le comportement fautif imputé à la SPRL X.

Par conséquent, la Cour d’appel de Liège déclare l'appel principal non fondé.

 

Bon à savoir

Il incombe à l’avocat d'informer son client de tous les aspects de son affaire. Ses conseils doivent être donnés d'initiative 3.

Il ne doit pas attendre passivement les instructions données éventuellement par son client, mais il doit lui-même le rendre attentif aux embuches, aux obligations légales ou aux formalités à accomplir 4.

Ainsi, un avocat normalement prudent et diligent aurait veillé à répercuter à son client le plus rapidement possible les rumeurs alarmantes de faillite de la partie adverse et aurait d’initiative conseillé à son client l’exercice immédiat d’une action directe, comme l’autorise l’article 1798 du Code civil 5.  

Le devoir de conseil s’étend en effet aux actions qu’il est nécessaire d’introduire pour sauvegarder les intérêts du client. L’avocat ne peut laisser aucune solution au hasard, et doit informer le client sur toutes les possibilités existantes pour assurer la défense de ses intérêts 6.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Liège (20e ch.), 23 janvier 2014, J.L.M.B., 2015/31, pp. 1451-1456.

2. Cass., 25 mars 2005, J.L.M.B., 2005, p. 140 ; Cass., 10 juin 2011, C.10.0465.N, inédit.

3. C. MELOTTE, « La responsabilité professionnelle des avocats », in Responsabilités, traité théorique et pratique, titre II, dossier 28bis, Bruxelles, Kluwer, 2005, p. 19.

4. Liège, 22 décembre 1998, J.L.M.B., 2000, p. 242.

5. Liège (20e ch.), 23 janvier 2014, J.L.M.B., 2015/31, pp. 1451-1456.

6. C. MELOTTE, « La responsabilité professionnelle des avocats », in Responsabilités, traité théorique et pratique, titre II, dossier 28bis, Bruxelles, Kluwer, 2005, p. 19.