La conception du rôle de l'avocat devant les juridictions de l'Union européenne
Présentation des faits 1
Un recours est introduit auprès du Tribunal de première instance de l'Union européenne par les avocats G et P au nom de l'entreprise polonaise A.
Peu après l'introduction du recours, l'entreprise requérante reçoit un courrier de la part du greffe du Tribunal. Ce courrier invite la requérante à préciser si les avocats ayant signé la requête en son nom, étaient, au moment de l'introduction du recours, liés à lui par un rapport d'emploi.
Les requérants remettent leurs observations dans le délai imparti. Le Tribunal se prononce alors sur la régularité formelle de la requête.
Le Tribunal conclut à l'irrecevabilité du recours introduit par les avocats des requérants puisqu'il n'a pas été introduit conformément aux dispositions du statut de la Cour de justice. En effet, il estime que les avocats ayant introduit le recours ne disposent pas d'une indépendance suffisante.
L'entreprise requérante introduit un pourvoi contre cette ordonnance du Tribunal.
Décision de la Cour de justice de l'Union européenne
La Cour rappelle que la conception du rôle de l'avocat dans l'ordre juridique de l'Union européenne émane des traditions juridiques communes aux Etats membres et est celle d'un collaborateur de justice appelé à fournir, en toute indépendance et dans l'intérêt supérieur de celle-ci, l'assistance légale dont le client a besoin.
Cette exigence d'indépendance implique l'absence de tout rapport d'emploi entre l'avocat et son client.
La Cour estime alors que la relation d'emploi des conseils ayant introduit la requête avec l'entreprise requérante est susceptible d'influer sur l'indépendance de ceux-ci.
La Cour rappelle, ensuite, le contenu de l'article 19 du statut de la Cour qui prévoit que seul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d'un Etat membre peut représenter une partie devant les juridictions de l'Union.
Elle précise que cet article établit une condition nécessaire mais pas suffisante, en ce sens que tout avocat habilité à exercer devant une juridiction d'un Etat membre serait automatiquement admis à exercer devant les juridictions de l'Union.
La représentation des parties peut donc faire l'objet d'une interprétation autonome, sans faire référence au droit national. Le Tribunal n'était donc pas dans l'obligation de tenir compte des formes spécifiques d'emploi des conseils juridiques en Pologne pour déterminer si les conseils étaient habilités à représenter leur client devant lui.
Les moyens invoqués par les requérants sont déclarés non-fondés et le pourvoi est, par conséquent, rejeté par la Cour.
Bon à savoir
La conception du rôle de l'avocat dans l'ordre juridique de l'Union, qui émane des traditions juridiques communes aux Etats membres est celle d'un collaborateur de la justice appelé à fournir, en toute indépendance et dans l'intérêt supérieur de celle-ci, l'assistance légale dont le client a besoin.
L'indépendance se définit de manière positive, par une référence à la discipline professionnelle ainsi que de manière négative, par l'absence d'un rapport d'emploi. 2
Cette exigence d'indépendance de l'avocat implique donc l'absence de tout rapport d'emploi entre ce dernier et son client 3. Ce raisonnement s'applique avec la même force dans une situation dans laquelle les avocats sont employés par une entité liée à la partie qu'ils représentent.
L'article 19, alinéa 4, du statut de la Cour prévoit que seul un avocat habilité à exercer devant une juridiction d'un Etat membre peut représenter une partie devant la Cour. Cet article impose une condition nécessaire qui doit être satisfaite par tout avocat agissant au nom d'une partie autre qu'un Etat membre ou une institution de l'Union devant les juridictions de cette dernière.
Cette condition ne peut toutefois être interprétée comme constituant une condition suffisante, en ce sens que tout avocat habilité à exercer devant une juridiction d'un Etat membre serait automatiquement admis à exercer devant les juridictions de l'Union.
La conception du rôle de l'avocat dans l'ordre juridique de l'Union fait l'objet d'une mise en œuvre objective et autonome par les juridictions de l'Union. L'interprétation des juridictions de l'Union peut, par conséquent, être indépendante et différer des conceptions prévalant dans les ordres juridiques nationaux. 4
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
______________
1. C.J.U.E., 6 septembre 2012, J.L.M.B., 2012/38, p. 1792-1799.
2. C.J.U.E., EREF c. Commission, ordonnance du 29 septembre 2010, www.curia.europa.eu.
3. C.J.U.E., Akzo Nobel Chemicals et Akro Chemicals c. Commission, 4 septembre 2010, www.curia.europa.eu.
4. Trib. de première instance de l'Union européenne, EREF c. Commission, ordonnance du 19 novembre 2009, www.curia.europa.eu.