La reconnaissance mutuelle des titres professionnels des avocats migrants au sein de l'Union européenne
Présentation des faits 1
Messieurs Torresi ont obtenu leur diplôme en droit en Italie. Ils obtiennent ensuite un diplôme en droit en Espagne. Ils ont été inscrits le 1er décembre 2011 au barreau de Santa Cruz de Tenerife en Espagne.
Le 17 mars 2012, ils ont introduit, conformément à un décret italien, auprès de l'Ordre de Macerate une demande d'inscription à la section spéciale du tableau des avocats titulaires d'un titre professionnel délivré dans un Etat membre autre que la République italienne et établis dans cette dernière.
Le conseil de l'Ordre ne s'est pas prononcé sur cette demande dans les délais prévus par le décret. Par conséquent, Messieurs Torresi ont saisi le Consiglio Nazionale Forense afin qu'il se prononce sur leurs demandes d'inscription.
Le Consiglio Nazionale Forense considère que la situation d'une personne qui, après qu'il ait obtenu un diplôme en droit dans un Etat membre, se rend dans un autre Etat membre dans le but d'y obtenir le titre d'avocat pour retourner immédiatement dans le premier Etat membre afin d'y exercer une activité professionnelle, parait étrangère aux objectifs de la directive 98/5 et est susceptible de constituer un abus de droit.
Ayant des doutes sur l'interprétation d'une disposition de la directive 98/5, le Consiglio Nazionale Forense décide de surseoir à statuer et de poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne.
Décision de la Cour de justice de l'Union européenne
La Cour rappelle que la directive 98/5 vise à faciliter l'exercice de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui dans lequel a été acquise la qualification professionnelle. La directive instaure un mécanisme de reconnaissance mutuelle des titres professionnels des avocats migrants souhaitant exercer sous le titre obtenu dans l'Etat membre d'origine.
L'article 3 de cette directive prévoit que l'avocat désireux d'exercer dans un Etat membre autre que celui où a été acquise sa qualification professionnelle est tenu de s'inscrire auprès de l'autorité compétente de cet Etat membre, laquelle procède à cette inscription au vu de l'attestation de son inscription auprès de l'autorité compétente de l'autorité de l'Etat membre d'origine.
Cette attestation d'inscription auprès de l'autorité compétente de l'Etat membre d'origine constitue l'unique condition préalable requise pour l'usage du droit d'établissement conféré par la directive.
La Cour constate que des ressortissants tels que Messieurs Torresi remplissent cette condition. Toutefois, la juridiction de renvoi considère que Messieurs Torresi ne pourraient pas bénéficier de la directive car cela constituerait un usage abusif du droit d'établissement.
La Cour considère, toutefois, qu'il ne s'agit pas d'une pratique abusive eu égard aux principes établis par sa jurisprudence.
Ainsi, elle considère que le fait, pour un ressortissant d'un État membre qui a obtenu un diplôme universitaire dans ce même État, de se rendre dans un autre État membre, afin d'y acquérir la qualification professionnelle d'avocat, et de revenir par la suite dans l'État membre dont il est le ressortissant pour y exercer la profession d'avocat sous le titre professionnel obtenu dans l'État membre où cette qualification a été acquise, constitue l'une des hypothèses dans lesquelles l'objectif de la directive 98/5 est atteint et ne saurait constituer, par lui-même, un usage abusif du droit d'établissement découlant de l'article 3 de la directive 98/5.
Bon à savoir
La directive 98/5 2 a été adopté afin de faciliter l'exercice de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui dans lequel a été acquise la qualification professionnelle. 3 La directive instaure un mécanisme de reconnaissance mutuelle des titres professionnels des avocats migrants souhaitant exercer sous le titre obtenu dans l'Etat membre d'origine. 4
L'article 3 prévoit une harmonisation complète des conditions préalables requises pour l'usage du droit d'établissement conféré par cette directive. En effet, celui-ci prévoit que l'avocat désireux d'exercer dans un Etat membre autre que celui dans lequel il a acquis sa qualification professionnelle est tenu de s'inscrire auprès de l'autorité compétente de cet Etat membre. L'autorité compétente de l'Etat membre en question devra alors procéder à l'inscription au vu de l'attestation de son inscription auprès de l'autorité compétente de l'Etat membre d'origine. 5
La présentation à l'autorité d'inscription d'une attestation d'inscription auprès de l'autorité compétente de l'Etat membre d'origine apparait alors comme la seule condition à laquelle doit être subordonnée l'inscription de l'intéressé dans un Etat membre d'accueil lui permettant d'exercer dans ce dernier Etat membre sous son titre professionnel d'origine.
Par conséquent, le fait, pour un ressortissant d'un État membre, de se rendre dans un autre État membre afin d'y acquérir la qualification professionnelle d'avocat à la suite de la réussite d'épreuves universitaires et de revenir dans l'État membre dont il est le ressortissant pour y exercer la profession d'avocat, sous le titre professionnel obtenu dans l'État membre où cette qualification professionnelle a été acquise, ne saurait constituer une pratique abusive.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. C.J.U.E., 17 juillet 2014, J.L.M.B., 2014/29, pp. 1377-1385.
2. Directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise, J.O. L 77, 14 mars 1998, p. 36.
3. Pour plus de détails concernant la directive, voy. J. Seche, « La directive 98/5 C.E. sur le droit d'établissement des avocats », J.T. dr. eur., 1999, pp. 7-10.
4. C.J.U.E., arrêt Luxembourg c. Parlement et Conseil, 7 novembre 2000, www.curia.europa.eu.
5. C.J.U.E., arrêt Commission c. Luxembourg, 19 septembre 2006, www.curia.europa.eu.