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AVOCAT

Bon a savoir

13 Mai 2016

La mise en cause des choix stratégiques de l'avocat

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Présentation des faits 1

Monsieur X est propriétaire d’un immeuble. Cet immeuble a été donné en location à Madame Y qui y a exploité un club privé.

A partir d'une certaine époque, madame Y n'a plus payé régulièrement ses loyers. Aussi, monsieur X a mandaté son conseil d'assigner sa locataire et d'entendre résilier, aux torts de celle-ci, la convention de bail.

Par jugement du 4 mars 1996, le Tribunal de céans, compte tenu des efforts accomplis par madame Y, lui a accordé une toute dernière chance de ne pas résilier à ses torts la convention de bail. Cependant, les manquements dans l'exécution des paiements des loyers ont persisté.

De ce fait, par décision du 30 novembre 1998, le juge a prononcé la résiliation du bail et a condamné madame Y au paiement d'arriérés de loyers et d'une indemnité de relocation.

Dans l'intervalle, le receveur communal de Liège a informé monsieur X qu'il avait adressé à sa locataire un avertissement-extrait de rôle de la taxe sur les serveuses et qu'à défaut d'en obtenir paiement de madame Y, monsieur X, en sa qualité de propriétaire, serait tenu de payer la taxe.

Par ailleurs, dans le courant de l'année 1994, madame Y a été victime d'un incendie. Celle-ci était assurée contre ce risque auprès de la Royale belge et des A.G. 1824. Par jugement du 16 juin 1999, la S.A. A.G. 1824 a été condamnée au paiement au profit de madame Y de la somme de 696.203 francs dont à déduire le montant des primes qu'elle a omis de réclamer.

Madame Y, après avoir perçu cette indemnité, a, dans le courant du mois d'août 1999, fait aveu de faillite.

Actuellement, monsieur X reproche à son conseil de ne pas avoir pratiqué une saisie en vue de rendre indisponible les indemnités que la compagnie d'assurances A.G. 1824 devait à madame Y, et ce, aux fins d'acquitter la taxe communale sur les bars ...

 

Décision du Tribunal de première instance

Le Tribunal de première instance rappelle, tout d’abord, que dans la défense d'un client, un avocat est régulièrement confronté à des choix stratégiques.

Il rappelle également que la question de la responsabilité professionnelle d'un conseil est susceptible de se poser, s'il s'avère ultérieurement qu'il n'a pas choisi la meilleure stratégie. Cependant, l'avocat dispose d'une liberté de choix stratégique et ne peut procéder qu'à un contrôle marginal. Il faut, par conséquent, apprécier la stratégie mise en place par le conseil en prenant en considération l'ensemble des éléments du litige et en se replaçant au moment où il a fait son choix.

Selon le Tribunal, il ne peut être reproché au conseil d'avoir opté pour la stratégie qui, à ses yeux, présentait le moins de difficultés d'ordre juridique, était la moins onéreuse et la plus efficiente.

En l’espèce, la stratégie développée par le conseil de monsieur X ne peut être critiquée quant à son efficacité, puisqu'elle permettait de garantir le paiement de la taxe litigieuse à la ville de Liège. Il est, par conséquent, inutile de passer en revue les autres procédures que l’avocat pouvait envisager, dès l'instant où la voie choisie par ce dernier s'inscrivait dans une optique pragmatique de défense des intérêts de son client.

Le Tribunal s’interroge ensuite sur les questions de savoir si l’avocat de monsieur X a informé son client et s'il a mis tout en œuvre pour concrétiser la stratégie élaborée en concertation avec son client.

En l’espèce, il apparaît de la chronologie des courriers échangés entre Monsieur X et son conseil qu'un accord s'est dégagé et que c'est la voie de la saisie-arrêt pratiquée par le receveur communal qui a été privilégiée. Il ressort, en outre, de cet échange épistolaire que c'est à nouveau, en bonne intelligence avec son client, que l’avocat a agi pour assurer le bon déroulement et la mise en œuvre  efficace de la stratégie élaborée.

Le Tribunal décide, par conséquent, qu’aucune faute ne peut être reprochée à maître X qui a développé une tactique qui devait être efficace, de concert avec son client, et qui ne semblait nullement déraisonnable ou susceptible de comporter des risques excessifs.

 

Bon à savoir

La responsabilité professionnelle d'un conseil est susceptible d’être engagée, s’il s’avère ultérieurement qu’il n’a pas choisi la meilleure stratégie 2.

Cependant, l’avocat dispose d’une liberté de choix stratégique et ne peut procéder qu'à un contrôle marginal. Ainsi, le juge doit apprécier la stratégie mise en place par le conseil, en tenant compte de l'ensemble des éléments du litige et en se replaçant au moment où il a fait son choix 3.

Il ne peut être reproché à l’avocat d’avoir opté pour la stratégie qui présentait, selon lui, le moins de difficultés d’ordre juridique, étant la moins onéreuse et la plus efficiente, pour autant qu’il en ait informé son client 4.

L'avocat doit, en outre, faire part à son client de ses réflexions, lorsqu'il détermine la stratégie générale du traitement d'un dossier 5.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. TPI Liège (7e ch.), 30 juin 2004, J.L.M.B., 2005, liv. 7, p. 293, note J.-P. Buyle.

2. P. Depuydt, La responsabilité de l'avocat et de l'huissier de justice, Bruxelles, Story-Scientia, 1984, n° 109-112.

3. Voy. Anvers, 29 janvier 2001, inédit cité par P. Depuydt, « La responsabilité civile de l'avocat », in Les responsabilités professionnelles, Liège, Formation permanente C.U.P., 2001, vol. 50, p. 21.

4. J.-P. Buyle, « Rôle de l’avocat dirigeant le procès », obs. sous TPI Liège (7e ch.), 30 juin 2004, J.L.M.B., 2005, liv. 7, p. 301.

5. Civ. Bruxelles, 4 décembre 1990, R.W., 1991-1992, p. 823.