L'écartement des débats des conclusions tardives
Présentation des faits1
Une affaire est présentée à l'audience d'introduction du 14 septembre 2006. Lors de cette audience, les conseils des parties déposent un calendrier amiable d'échange de conclusions et demandent une date de fixation pour plaider la cause. Celle-ci fut fixée à l'audience du 4 juin 2007.
A l'audience du 4 juin 2007, le conseil de la demanderesse sollicite que les conclusions du défendeur soient écartées des débats au motif qu'elles auraient été déposées après la date prévue par le calendrier amiable.
En effet, les conclusions du défendeur ont été déposées au greffe le 19 mars 2007 alors qu'il devait conclure pour le 28 février 2007.
La Cour d'appel de Liège refuse d'écarter des débats les conclusions du défendeur. Il déboute la demanderesse de son action et fait droit aux demandes reconventionnelles du défendeur.
Il fonde sa décision sur le fait que les délais prévus par l'article 747, §2, du Code judiciaire ne sont pas prévus à peine de nullité et que la date de leur dépôt n'a causé aucun grief à la demanderesse qui disposait d'un délai supplémentaire de deux mois pour y répondre en concluant de manière additionnelle.
Un pourvoi en cassation de cet arrêt est interjeté.
Décision de la Cour
La Cour rappelle qu'en vertu de l'article 747, §2, alinéa 6, du Code judiciaire, les conclusions déposées au greffe après l'expiration des délais fixés pour conclure sont d'office écartées des débats. Elle affirme que cet article est applicable au cas d'espèce.
La Cour considère, ensuite, que les délais fixés par le juge sont impératifs.
Elle estime que lorsqu'une partie demande au juge que des conclusions tardives soient écartées des débats, le juge ne peut procéder à l'appréciation de l'intérêt de cette partie.
Par conséquent, l'arrêt qui constate que les conclusions ont été déposées au greffe le 19 mars 2007 alors qu'il devait conclure pour le 28 février 2007 et qui décide, ensuite, qu'il n'y a pas lieu d'écarter ces conclusions des débats au motif que les délais prévus par l'article 747, §2, du Code judiciaire ne sont pas prévus à peine de nullité et que le dépôt tardif n'a causé aucun grief à la demanderesse, viole l'article 747, §2, alinéa 6 du Code judiciaire.
La Cour casse l'arrêt attaqué et renvoie la cause devant la Cour d'appel de Bruxelles.
Bon à savoir
L'article 747, §2, alinéa 6, du Code judiciaire2 prévoit que les conclusions déposées au greffe ou envoyées à la partie adverse après l'expiration des délais sont d'office écartées des débats.
Cette disposition s'applique, notamment, lorsque les parties se sont accordées sur un calendrier amiable d'échange des conclusions qui a été soumis à l'audience d'introduction et lorsque, eu égard à cet accord, le juge a fixé la date de l'audience de plaidoiries.
Les délais fixés pour conclure par le juge sont impératifs.3
Lorsqu'une partie demande au juge que des conclusions soient écartées des débats, le juge ne peut procéder à l'appréciation de l'intérêt de cette partie. Il ne pourra, par exemple, refuser d'écarter les conclusions au motif que le retard n'a causé aucun grief à la partie qui demande l'écartement des conclusions.4
L'arrêt qui tient compte de l'intérêt de la partie qui demande l'écartement des débats des conclusions déposées tardivement pour refuser cet écartement viole l'article 747, §2, alinéa 6, du Code judiciaire.
Ndlr: La présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cass., 12 février 2009, J.L.M.B., 2009/35, p. 1648.
2. Article 747, §2, alinéa 6, du Code judiciaire tel que modifié par la loi du 26 avril 2007.
3. Cass. (1ère chambre), RG C.99.0185.N, 18 mai 2000.
4. Voy B. Maes, « Toetsing van belangschade of normdoel bij het weren van te laat ingediende conclusies », R.A.B.G., 2009/11, p. 741-745.