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AVOCAT

Bon a savoir

6 Novembre 2015

La compétence internationale du juge pour connaitre des litiges relatifs aux honoraires d'avocat

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le mois dernier.

Présentation des faits 1

Madame M. est propriétaire d'un bien immeuble.

Entrée en litige avec la société C., promoteur immobilier qui exécutait des travaux de transformation de l'immeuble situé à côté de sa propriété, Madame M. a consulté Maître X. le 23 février 2009. Elle l'a chargé d'introduire une procédure judiciaire dans le cadre de laquelle une expertise judiciaire a été ordonnée.

Maître X. a assuré la défense des intérêts de Marie-Henriette jusqu'au 3 juin 2009, date à laquelle elle a fait choix d'un autre conseil.

Maître X. a alors établi son état de frais et honoraires, laissant apparaître un solde en sa faveur de 790,54 euros à titre de frais et de 4.354,16 euros à titre d'honoraires.

Par lettre du 21 juillet 2009, Madame M. a contesté cet état et annoncé le paiement d'une somme de 475 euros.

Maître X a alors assigné en paiement Madame M. La citation introductive d'instance a été signifiée le 8 avril 2010. Introduite le 27 mai 2010, la cause a été renvoyée au rôle général.

Par lettre du 31 mai 2010, Maître X. a répondu aux contestations formulées par Madame M. dans sa lettre du 21 juillet 2009.

Suite à la requête déposée par le conseil de Maître X. le 24 septembre 2012, le tribunal a rendu, le 13 novembre 2012, une ordonnance de mise en état fondée sur l'article 747, paragraphe 2, du Code judiciaire.

 

Décision du Tribunal civil francophone de Bruxelles

Sur la compétence du tribunal

Le Tribunal civil francophone de Bruxelles rappelle tout d’abord que la compétence des juridictions belges s'apprécie au regard du règlement C.E. 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Le tribunal constate qu’en l’espèce Madame M. est de nationalité française et est domiciliée en France. Elle devrait donc normalement être assignée devant les juridictions françaises, conformément à l'article 2 du règlement, qui dispose que « les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ».

Toutefois, l'article 5.1, du règlement prévoit qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre :

«  (…) b. aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est (…) pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; ».

En l'espèce, c'est en Belgique que le contrat de prestation de services a été conclu et que Maître X. a presté ses services.

Les tribunaux belges, et en particulier le Tribunal de première instance de Bruxelles, sont donc compétents pour connaître du litige.

Par conséquent, le Tribunal civil francophone de Bruxelles déclare l’action de Maître X recevable.

Sur le fondement de la demande principale

Le Tribunal civil francophone de Bruxelles constate tout d’abord que l'état d'honoraires adressé à Madame M. le 3 juin 2009 est détaillé. Il énumère en effet les diverses prestations qui ont été effectuées et le temps qui leur a été consacré.

Certes avec retard - le 31 mai 2010 -, Maître X. a répondu aux critiques formulées à l'encontre de cet état par Madame M. dans sa lettre du 21 juillet 2009. Mais, ces réponses n'ont toutefois suscité aucune réaction de Madame M. jusqu'au 26 mai 2013, date de dépôt de ses conclusions principales.

Le Tribunal civil estime que c'est avec une mauvaise foi certaine que Madame M. tente de tirer argument du fait que Maître X. n’a pas déposé de pièces permettant de contrôler la réalité et l'ampleur des prestations qu'il a fournies. En effet, suite à la décision que Madame M. a prise de décharger Maître X. de la défense de ses intérêts, ce dernier a été contraint de transmettre l'intégralité du dossier à son successeur. Ses démarches ultérieures en vue d'en obtenir une copie ou de le consulter sont restées vaines.

Selon le Tribunal, Madame M. serait, quant à elle, parfaitement en mesure de produire les pièces utiles, mais s'abstient volontairement de le faire.

En outre, le Tribunal civil considère que les contestations de Madame M. relatives aux frais d'huissier sont pareillement mal fondées. Maître X. démontre en effet avoir versé à son huissier de justice les sommes de 305,60 euros et 619,98 euros reprises dans son état de frais et honoraires, et a déduit le montant de 610,04 euros versé par Madame M. le 5 mars 2009.

Eu égard à ces considérations, le Tribunal civil francophone de Bruxelles décide que la somme de 4.669,70 euros réclamée par Maître X. au titre de solde de son état de frais et honoraires du 3 juin 2009, est due par Madame M., majorée, comme demandé, des intérêts judiciaires au taux légal depuis le 27 mai 2010 jusqu'au paiement. Il déclare ainsi la demande de Maître X fondée et condamne Madame à payer ladite somme.

 

Bon à savoir

L'article 5, 1, b, du règlement C.E. 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose que, sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est « pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis » 2.

Au sens de l'article 5, la notion de « services » implique « que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d'une rémunération » 3.

Il ne peut être sérieusement contesté que les prestations d'avocat constituent des services au sens de l'article 5 précité 4.

Par conséquent, le juge du lieu où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis est compétent pour connaître des conflits relatifs aux honoraires d'avocat.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Tribunal civil francophone de Bruxelles (11e Ch.), 26 mai 2014, J.L.M.B., 2015/31, pp. 1460-1463.

2. N. WATTE, A. NUYTS et H. BOULARBAH, « Le règlement "Bruxelles I" sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale », J.T.D.E., 2002, p. 161 ; S. FRANCQ, E. ALVAREZ ARMAS et M. DECHAMPS, « L'actualité de l'article 5.1 du règlement Bruxelles I. Évaluation des premiers arrêts interprétatifs portant sur la disposition relative à la compétence judiciaire internationale en matière contractuelle », R.D.C., 2012, p. 129.

3. C.J.U.E., 19 décembre 2013, Corman-Collins S.A. / La Maison du Whisky S.A., C-9/12, paragraphe 37.

4. Tribunal civil francophone Bruxelles (77e Ch.), 24 juin 2014, J.L.M.B., 2015/31, pp. 1463-1468.