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AVOCAT

Bon a savoir

13 Juin 2014

L'avocat et son devoir de conseil et d’information - Responsabilité

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Présentation des faits 1

Un bail commercial a été conclu entre A, en qualité de bailleur, et la Société B, en qualité de locataire. Le contrat de bail a été cédé par la Société B à Y par convention.

Quelques années plus tard, Y a sous-loué le rez-de-chaussée commercial à la SPRL Q en vue de l'installation d'un magasin de prêt-à-porter, pour une durée équivalente au bail commercial principal.

Par citation à comparaître devant le juge de paix du canton d'Ixelles, le bailleur principal A a sollicité la résiliation du bail en raison de l'absence de constitution de la garantie locative prévue par le contrat et de la modification de la destination des lieux où s'exerce le commerce.

Le juge de paix a prononcé la résiliation du bail aux torts exclusifs de celle-ci qui a formé opposition contre ce jugement.

Le conseil du bailleur A a informé le conseil d'Y (Avocat C) que celle-ci n'avait pas introduit de demande de renouvellement du bail dans le délai légal et que le contrat prendrait dès lors fin de plein droit.

Suite à cet évènement, la société Y a sollicité la condamnation de l’assureur responsabilité professionnelle de l’avocat à lui payer 274.449,44 euros au titre de réparation pour le préjudice subi par la faute professionnelle alléguée de son conseil (avocat C) qui aurait omis de signaler ou de rappeler au locataire la période de demande de renouvellement du bail commercial.

Le tribunal de première instance de Bruxelles a dit la demande partiellement fondée et a condamné l’assureur de l’avocat au paiement de dommages et intérêts fixés ex aequo et bono à 6.200 euros.

Toutefois, la SA Y demande à la cour de mettre à néant le jugement attaqué en tant qu'il statue sur le quantum du dommage et, statuant à nouveau sur ce dernier point, de condamner l’assureur responsabilité de l’avocat C à payer la somme de 274.449,44 euros.

L’assurance responsabilité de l’avocat C formule un appel incident tendant à titre principal, à entendre déclarer la demande originaire de Y non fondée ; à titre subsidiaire, à entendre dire pour droit que son assuré a commis une faute présentant un lien de causalité avec son préjudice et, en conséquence, à lui délaisser les neuf dixièmes de celui-ci.

Décision de la Cour d’appel de Bruxelles

L’assurance responsabilité soutient qu'aucune faute n'a été commise dans le chef de son assuré. Qu’en sa qualité de professionnelle de l'immobilier, la société Y était censée connaître parfaitement les règles légales applicables au renouvellement du bail commercial.

Par ailleurs, l’assurance responsabilité professionnelle considère que l'intervention de l'avocat se limitait aux seuls problèmes dont il avait été chargé, à savoir la cession du bail puis la procédure de résolution judiciaire du contrat, et ne s'étendait pas à toutes les autres questions suscitées par le bail.

La Cour considère que l'avocat C ne pouvait ignorer que la société Y souhaitait rester dans les lieux loués puisqu’il est intervenu dans la procédure sur opposition par laquelle Y contestait la résiliation du bail.

Il appartenait donc à l'avocat de mettre en œuvre tous les moyens légaux à sa disposition pour permettre au contrat de bail de subsister. Partant, d’avertir Y de la nécessité de demander le renouvellement du bail.

L’avocat C en omettant de mettre en garde sa cliente contre l'échéance du délai de demande de renouvellement du bail commercial a commis une faute dans son devoir de conseil.

De sorte que la société Y se trouve dans la situation d'avoir perdu une chance. 2 Cette perte peut constituer un dommage susceptible d'être réparé lorsqu'il ressort des circonstances de l'espèce que cette chance était certaine. 3

Dans les faits, il y avait peu de chances que le propriétaire obtienne la résiliation du bail, la destination de magasin de prêt-à-porter ne violant pas l'article 3 du contrat de bail. La société Y avait 50% de chances d'obtenir le renouvellement de son contrat de bail.

Par conséquent, la perte de chance pour Y est sérieuse et un dommage dans son chef est établi. L’assurance responsabilité professionnelle de l’avocat est condamnée à payer à la société Y la somme de 30.676,82 euros.

Bon à savoir

Le devoir de conseil et d’information de l'avocat est une obligation de moyen. Par conséquent, si le résultat souhaité par le client n'est pas obtenu, il appartient à ce dernier de prouver que tous les moyens n'ont pas été mis en œuvre par son avocat et que celui-ci a donc commis une faute. 4

La faute de l'avocat consiste à ne pas agir comme l'aurait fait, dans les mêmes circonstances, un avocat normalement prudent et diligent. 5

En outre, l'avocat ne doit pas attendre passivement les instructions que le client lui donnera éventuellement mais il doit prendre l'initiative de rendre celui-ci attentif à des embûches, des obligations légales ou des formalités à accomplir. 6

Cela étant, l'obligation d'information peut être atténuée face à un client ayant connaissances des règlementations légales applicables. Toutefois, en règle, l'avocat reste toujours tenu de conseiller son client sur les options qui s'ouvrent à lui et de le mettre en garde quant aux risques qui résulteraient de certaines options choisies, même si, en présence d'un client averti, les conseils peuvent être prodigués de façon simplifiée. 7

_______________

1. Cour d’appel de Bruxelles, 10 novembre 2006, J.L.M.B., 2008/06, p. 229.

2. J.F. Gribomont, « Des aspects actuels de la responsabilité civile professionnelle des avocats », J.T., 1982, p. 598.

3. Liège, 20 octobre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 86.

4. B. Troiani, « La responsabilité de l'avocat dans la consultation et la négociation », Ann. dr. Louvain, 1996, pp. 367-368.

5. P. Depuydt, Responsabilité de l'avocat et de l'huissier de justice, Story-Scientia, 1984, p. 26.

6. Liège, 22 décembre 1998, J.L.M.B., 2000, p. 242.

7. P. Henry et B. De Cocquéau, « Le devoir de conseil de l'avocat et de l'huissier de justice », in Larcier, Formation permanente CUP, vol. 89, Les obligations d'information, de renseignement, de mise en garde et de conseil, p. 65.