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AVOCAT

Bon a savoir

25 Mars 2016

La confidentialité des documents émis par les juristes d'entreprise

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Présentation des faits 1

La Commission européenne adopte, le 10 février 2003, une décision ordonnant à certaines entreprises, dont les requérantes, Akzo Nobel et Akcros, de se soumettre à des vérifications en vue de détecter d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles au sein de leurs activités. Ces vérifications eurent lieu quelques jours plus tard dans les locaux de ces entreprises.

Durant la procédure, les fonctionnaires de la Commission présents sur les lieux prirent copie d'un certain nombre de documents. Les requérantes firent alors remarquer que ces documents étaient susceptibles d'être couverts par le principe de confidentialité des communications entre un avocat et son client et qu'ils ne pouvaient, par conséquent, faire l'objet d'une copie.

La Commission effectua un examen approfondi des documents en cause avant d'affirmer que les arguments présentés par les requérantes ne permettaient pas de conclure à l'application du principe de confidentialité aux documents saisis.

Les requérantes introduisent alors un recours en annulation de la décision de la Commission qui refusait d'étendre la protection liée au principe de confidentialité aux échanges entre l'entreprise et son avocat interne devant le Tribunal de première instance de l'Union européenne. Le Tribunal rejette le recours, ce qui amène Akzo Nobel et Akcros à introduire, par la suite, un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de justice.

 

Décision de la Cour de justice 

La Cour rappelle et précise sa jurisprudence antérieure 2 en affirmant que les communications entre avocat et client bénéficient d'une protection au niveau européen lorsque deux conditions se trouvent réunies. Premièrement, l'échange entre l'avocat et le client doit être lié aux droits de la défense du client et, deuxièmement, l'échange doit émaner d'un avocat indépendant, c'est-à-dire, non lié au client par un rapport d'emploi. Cette exigence d'indépendance implique que la protection de la confidentialité des communications entre un avocat et son client ne s'étend pas aux échanges au sein d'une entreprise.

Dans le cas d'espèce, les juristes des entreprises requérantes, malgré leur inscription au barreau et leur soumission à la déontologie, ne jouissent pas, selon la Cour, d'une indépendance suffisante pour bénéficier de la protection du principe de confidentialité des échanges entre eux et l'entreprise qui les emploie puisqu'ils exercent leurs activités dans le cadre d'un lien de subordination.

La Cour va également considérer que cette règle ne constitue pas une violation du principe d'égalité de traitement dans la mesure où celui-ci permet de traiter différemment deux catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes. Les avocats exerçant leurs activités dans le cadre d'un contrat de travail ne bénéficiant pas du même degré d'indépendance que les avocats exerçant leurs activités dans un cabinet externe à l'égard de leurs clients, il est justifié de leur réserver un traitement différencié du point de vue de l'application des règles liées à la confidentialité des échanges avocat-client.

 

Bon à savoir

Le principe de confidentialité des communications entre un avocat et son client s'applique à deux conditions. L'échange doit, tout d'abord, être lié aux droits de la défense du client, ce qui inclut les échanges ayant lieu à partir de l'ouverture de la procédure mais également ceux précédant l'ouverture de la procédure à condition qu'il existe un lien de connexité avec celle-ci. L'échange doit, ensuite, émaner d'un avocat indépendant. Est considéré comme indépendant l'avocat exerçant ses activités dans un cabinet externe au regard de son client. Un avocat employé par une entreprise ne présente nullement cette qualité d'indépendance dans la mesure où il se trouve dans une situation de subordination qui l'empêche de s'écarter des stratégies commerciales de l'entreprise qui l'emploie. Il ne présente alors pas les garanties d'une indépendance professionnelle équivalente à celle d'un avocat travaillant au sein d'un cabinet externe. 3

Si au niveau national la confidentialité semble, à l'heure actuelle, toujours de mise 4, dans un contexte procédural européen, les avis émis par les juristes d'entreprise ne bénéficient pas de la protection liée au principe de confidentialité des communications entre un avocat et son client. Les entreprises exerçant leurs activités au sein de plusieurs pays de l'Union européenne auront donc intérêt à se montrer prudentes, et ce, principalement dans le domaine du droit de la concurrence. En effet, dans le cadre d'une enquête menée au niveau européen visant à déceler des pratiques non-concurrentielles, les documents émis par les juristes d'entreprise ne bénéficieront d'aucune protection 5.

Il est, par conséquent, conseillé aux juristes employés par ces entreprises et amenés à régler des problèmes de concurrence d'adopter « certaines précautions afin que des notes internes ne se transforment en éléments à charge » 6, notamment en privilégiant l'oralité pour les échanges les plus confidentiels ainsi qu'en identifiant « très clairement les notes reprenant une discussion ou résumant la consultation des avocats » et « les communications en les signant et en les précédant des mentions « confidentiel – communication avocat-client » 7.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

__________________________________

1. Cour de justice de l'Union européenne (grande chambre), 14/09/2010, J.L.M.B., 2010/30, pp. 1400-1408.

2. C.J.C.E., 18 mai 198, AM&S Europe c. Commission, www.curia.europa.eu.

3. F. Puel et T. Bontinck, « La jurisprudence Akzo ou la complémentarité du juriste d'entreprise et de l'avocat dans la protection des droits de la défense de l'entreprise », J.T., 2011/8, n° 6426, pp. 137-140.

4. Loi du 1er mars 2000 créant un Institut des juristes d'entreprise, M.B., 4 juillet 2000, p. 23252, art. 5.

5. J. Bocken, « Geen europese bescherming voor briefwisseling bedrijfjuristen », De Juristenkrant, Mechelen, Kluwer, 13 octobre 2010, p. 1.

6. D. Vandermeersch et D. Gerard, « L'arrêt AKZO, le Tribunal de Première Instance refuse d'étendre aux juristes d'entreprise la protection du secret professionnel », J.D.E, 2007/9, n° 143, pp. 267-269.

7. F. Puel et T. Bontinck, o.c.