La responsabilité de l'avocat dépositaire de documents
Synthétiquement, une personne était porteuse de quatre effets de commerce tirés par une société tombée en faillite. Cette personne confie le recouvrement des sommes dues à son conseil habituel, Maître Poncelet.
Ce dernier envoie les effets à un confrère pour procéder à la récupération des créances. Ce confrère, n’étant pas accrédité à se présenter devant la juridiction saisie, s’est fait remplacer par un autre avocat, Maître T.
Quelques semaines plus tard, Maître Poncelet est averti que Maître T. a été victime du vol de trois des quatre traites litigieuses, qu’une personne se faisant passer pour un de ses collaborateurs se serait présentée à son bureau et, sous prétexte de consulter le dossier, aurait subtilisé les traites.
Une action est introduite pour engager la responsabilité de Maître T. Le premier juge constate l’existence d’un comportement fautif dans le chef de l’avocat et condamne le confrère qui s’est substitué Maître T. dans le recouvrement de créance à payer une indemnité. Ce confrère a fait appel de la décision.
Décision de la Cour d’appel de Liège
L’appelant critique ce jugement, estimant que Maître T. n’a commis aucune faute. Il avance qu’il avait le pouvoir de se faire substituer par un sous-mandataire et que l’intimée a ratifié tacitement la substitution de mandataire. De plus, il n’est pas responsable des fautes de gestion de son substitut et que, de toute façon, le vol litigieux constitue une cause libératoire, étant un cas de force majeure.
La Cour constate que Maître T. avait une obligation de garde et de restitution et qu’en cas d’inexécution de l’obligation de restitution, Maître T. doit prouver une cause étrangère libératoire pour éviter sa mise en cause. Or, laisser un inconnu, sans vérifier son identité, suite à la seule annonce téléphonique sans avoir vérifié l’identité de son auteur, et que personne n’est à même de reconnaître dans le cabinet de Maître T., consulter seul un dossier pour précisément vérifier des pièces originales, essentielles aux débats, constituent un ensemble de manquements fautifs. En conséquence, la Cour confirme la décision entreprise.
Bon à savoir
En règle, la responsabilité professionnelle de l’avocat s’apprécie en fonction de l’acte qu’il est chargé d’accomplir. Si son obligation n’est que de moyen, comme dans son activité de conseil ou d’assistance, celle-ci est de résultat dans d'autres domaines, tel l’introduction d’un acte ou d’un recours en temps utile. Il en est de même lorsque se forment entre les parties d’autres contrats qui se superposent au contrat de défense, tel que le mandat ou le dépôt.
L’avocat ne peut se dégager de son obligation de moyen que s’il prouve que son comportement a été celui qu’aurait eu un avocat normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances. Si son obligation est de résultat, le seul fait de son inexécution entraîne sa responsabilité, sauf à prouver un cas de force majeure 2.
L’avocat qui reçoit des documents originaux en est dépositaire et son obligation de restitution est de résultat 3. La non-restitution de la chose déposée fait peser sur le dépositaire une présomption d’inexécution fautive 4. Le dépositaire ne peut se dégager de celle-ci que s’il apporte la double preuve de l’existence d’une cause étrangère et de l’absence de faute de sa part. À défaut, la présomption de faute qui pèse sur le dépositaire n'est pas renversée et sa responsabilité peut être engagée 5.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Appel Liège, 3 janvier 2008, R.G. n° 2006/RG/600.
2. R.O. Dalcq, « La responsabilité civile de l'Avocat. Evolution récente de la jurisprudence et de la doctrine », in La responsabilité des avocats, éd. du Jeune Barreau de Bruxelles, 1992, pp. 105 et s.
3. Article 1927 du Code civil.
4. Appel Liège, 8 mars 2007, J.L.M.B., 2007/32, p. 1352.
5. I. Durant, « Le contrat de dépôt et le séquestre », in Les contrats spéciaux, CUP, vol 34, 1999, p. 50.