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AVOCAT

Bon a savoir

13 Novembre 2015

La preuve de l'existence du mandat de l'avocat par toutes voies de droit

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Présentation des faits 1

Maître X. a été le conseil de Sylvie dans un litige l'opposant à son ex-époux, qui portait notamment sur le partage des actifs détenus dans plusieurs sociétés, dont la S.A. S. qui exploite un magasin d'optique.

Maître X. a déclaré avoir demandé en 2012 à la société W. de procéder à l'évaluation desdites sociétés en exécution d'un mandat que sa cliente lui a donné.

En date du 9 septembre 2012, la société W. transmet à Maître X. un premier rapport d'évaluation communiqué à Madame S. le 10 septembre 2012.

En date du 28 septembre 2012, la société W. transmet à Maître X. son second rapport qui est communiqué le même jour à Madame S.

En date du 31 décembre 2012, la société W. a adressé à Maître X. une facture de frais et honoraires de 5.142,50 euros qui est transmise à Madame S. le 17 janvier 2013.

Cette facture restant impayée, Maître X. est mis en demeure de la régler le 5 novembre 2013 par la société W.

Aucun paiement n'ayant été effectué, une citation a été lancée en date du 18 février 2014 à la requête de la société W. contre Maître X., suivie d'une citation en intervention et garantie à la requête de Maître X. contre Madame S. en date du 28 mars 2014.

 

Décision du Tribunal civil francophone de Bruxelles

Le Tribunal civil francophone de Bruxelles rappelle tout d’abord que, conformément à l'article 1984 du Code civil, « le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne (le mandant) donne à une autre personne (le mandataire) le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».

L'article 1985 du Code civil précise que "Le mandat peut être donné ou par acte public, ou par écrit sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement mais la preuve testimoniale n'en est reçue que conformément au titre 'Des contrats ou des obligations conventionnelles en général'. L'acceptation du mandat peut n'être que tacite, et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire".

Le Tribunal civil de Bruxelles rappelle également qu’en matière civile, un écrit s'impose pour établir la preuve de l'existence du mandat, dès lors que l'objet excède 375 euros (article 1341 du Code civil), sauf s'il existe un commencement de preuve par écrit, auquel cas ce début de preuve pourra être complété par des témoignages ou des présomptions.

Au sens de l’article 1347 du Code civil, constitue un commencement de preuve par écrit, tout écrit émanant de celui à qui on l'oppose et qui rend vraisemblable le fait allégué.

En l’espèce, Maître X. ne conteste pas avoir conclu avec la société W. un contrat dont l'objet portait sur une mission de révisorat d'entreprise et lui devoir à ce titre des honoraires. Maître X. déclare avoir agi au nom et pour le compte de Madame S. qui le conteste.

À défaut d'un écrit littéral, Maître X. ne peut être autorisé à apporter la preuve du mandat de droit commun qu'il invoque par la voie des témoignages ou présomptions que s'il justifie d'un commencement de preuve par écrit. Toutefois, aucun écrit émanant de Madame S. n'est déposé au dossier.

Par conséquent, en l'absence d'un commencement de preuve par écrit et par application de l'article 1347 du Code civil, les présomptions invoquées par Maître X. ne constituent pas des modes de preuve recevables.

Maitre X. peut toutefois se prévaloir de l'exception prévue à l'article 1348 du Code civil qui prévoit l'impossibilité de se procurer un écrit découlant d'un usage.

Tant la doctrine que la jurisprudence publiées admettent, en effet, que "de tels usages existent incontestablement en ce qui concerne les relations des avocats et des médecins avec leur clientèle 2, en telle sorte que les titulaires de ces professions peuvent être dispensés de fournir un écrit. Ceux-ci peuvent dans ce cas être autorisés à rapporter la preuve de l'obligation dont ils se prévalent par toutes voies de droit et le juge apprécie souverainement la force probante des éléments qu'ils produisent".

En l'espèce, le Tribunal relève que Madame S. n'a pas contesté la mission dévolue à la société W., alors que deux rapports rédigés par ses soins lui ont pourtant été transmis par Maître X. dès leur réception. De même, elle n'a émis aucune protestation suite à l'envoi (le 17 janvier 2013) de la facture d'honoraires émise le 31 décembre 2012 par la société W. et elle n'a pas sollicité la moindre explication. Enfin, les courriers échangés entre la société W., Maître X. et la mère de Madame S. ainsi que les explications fournies à l'audience par les parties confirment que Maître X. a pris contact avec la société W., avec l'accord préalable et dans l'intérêt de Madame S.

Maître X. était manifestement dans l'impossibilité de se procurer un écrit en raison de la relation de confiance qui existait entre lui et sa cliente.

Il résulte de ce qui précède que la mission de révisorat confiée à la société W. par Maître X. l'a été en exécution d'un mandat que Madame S. lui a donné et qu'il appartient dès lors à cette dernière d'en supporter seule le coût.

La demande de Maître X. tendant à condamner Madame S. à lui garantir de toute condamnation prononcée à son encontre est par conséquent recevable et fondée.

 

Bon à savoir

La preuve de l’existence du mandat se fait suivant les règles habituelles des modes de preuves en matière civile, et plus particulièrement suivant l’article 1341 du Code civil, lequel impose un écrit dès lors que l’obligation excède le prix de 375 euros 3, sauf commencement de preuve par écrit, auquel cas ce début de preuve pourra être complété par des témoignages ou des présomptions 4.

Par commencement de preuve par écrit au sens de l’article 1347 du Code civil, il y a lieu d’entendre tout écrit émanant de celui à qui on l'oppose et qui rend vraisemblable le fait allégué.

Une autre exception au principe de l’article 1341 du Code civil figure à l’article 1348 du Code civil, lequel autorise  la  preuve  par  toutes  voies  de  droit  en  cas d’impossibilité de se procurer un écrit 5.

Cette impossibilité de se constituer une preuve écrite peut être matérielle, morale ou peut découler des usages 6. De tels usages existent incontestablement en ce qui concerne les relations des avocats avec leur clientèle 7, de telle manière que ceux-ci peuvent être dispensés de fournir un écrit. Dans ce cas, ils sont autorisés à rapporter la preuve de l’existence de leur mandat par toutes voies de droit.

________________

1. Tribunal civil francophone Bruxelles (1ère Ch.), 30 septembre 2014, J.L.M.B., 215/31, pp. 1468-1471.

2. H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil, t. III, 3ème éd., Bruxelles, Bruyant, 1967, no 905 ; voy. pour les avocats, Liège, 2 février 2000, R.G.D.C., 2001, p. 405).

3. Article 1341 du Code civil.

4. Article 1347 du Code civil.

5. Article 1348 du Code civil.

6. F. MOURLON BEERNAERT et A. GAUDY, « Le droit de la preuve – La prééminence de la preuve par écrit », in Obligations. Traité théorique et pratique, VI.4.1 – 10, Bruxelles, Kluwer, 2006, p. 66.

7. H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil, t. III, 3ème éd., Bruxelles, Bruyant, 1967, no 905 ; voy. aussi, Liège, 2 février 2000, R.G.D.C., 2001, p. 405) ; D. MOUGENOT, Rép. not., Bruxelles, Larcier, 2002, t. IV « Les obligations », Livre II « La preuve », p. 133.