L'avocat et la contestation de ses frais et honoraires
Présentation des faits 1
L'avocat A a été le conseil de Madame B, dans un procès qui l'a opposé à diverses autres parties à la suite de l'effondrement d'un immeuble, en raison d'une explosion due à une fuite de gaz.
L'avocat A est intervenu avec succès comme conseil de Madame B, entre 1993 et 2003, puisque celle-ci a été mise hors de cause, d'abord par le tribunal de première instance, ensuite par la cour d'appel.
En 2003, l'avocat A a communiqué à sa cliente son état final de frais et honoraires auquel était annexé un relevé chronologique de ses interventions. Il était ainsi réclamé 7.470,42 € de frais et honoraires à Madame B.
Madame B a, par courrier, sollicité des explications détaillées relatives aux frais et honoraires qui lui étaient réclamés. En réponse à celui-ci, l'avocat A a fait part du calcul d'honoraires (nombre de minutes prestées à des taux horaires successifs de 85 €, 125 € et 170 € selon les périodes envisagées).
Madame B exprimait sa perplexité en raison des majorations du tarif horaire appliqué sans qu'elle en fût avertie.
Les parties ne sont pas parvenues à un arrangement amiable. Par conséquent, l'avocat A a fait citer Madame B en justice afin d'obtenir sa condamnation au paiement des frais et honoraires.
Le premier juge a sollicité l'avis du Conseil de l'Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles sur l'état de frais et honoraires dont le paiement était réclamé. Le premier juge a fait droit à la demande, condamnant Madame B au paiement des honoraires et frais.
Madame B a fait appel du jugement.
Décision de la Cour d'appel de Bruxelles
La Cour soulève que l'avis du Conseil de l'ordre français des avocats de Bruxelles considérait que l'état d'honoraires n'excède pas les bornes d'une juste modération.
Par ailleurs, l'article 446ter, al. 1er du Code judiciaire dispose que : « Les avocats taxent leurs honoraires avec la discrétion qu'on doit attendre d'eux dans l'exercice de leur fonction. Tout pacte sur les honoraires exclusivement lié au résultat de la contestation leur est interdit. »
La Cour constate qu'en taxant le montant de ses frais et honoraires à la fin de son intervention dans le cadre de l'affaire, l'avocat A n'a fait que mettre en œuvre cette disposition légale, en explicitant le nombre d'heures de prestations consacrées, le tarif horaire appliqué et le détail des frais y afférents.
Par conséquent, il incombe à Madame B de démontrer que son avocat l'aurait fait de manière fautive ou excessive, en dépassant les bornes de la juste modération.
Le juge soulève qu'en effet Madame B n'a pas été avertie de la majoration du tarif horaire, toutefois, cette abstention ne peut avoir pour effet de priver l'avocat A du droit de majorer le coût horaire de son assistance en raison de la notoriété, de l'expérience et de la compétence croissantes acquises au fil de ses années d'ancienneté au barreau.
En outre, si Madame B souligne qu'elle n'a pu évaluer le montant final des honoraires et des frais, la Cour estime qu'elle pouvait parfaitement interpeller son conseil à ce propos, ce qu'elle s'est abstenue de faire.
Pour ces raisons, la Cour reçoit l'appel mais le déclare non fondé.
Bon à savoir
L'avocat peut, sur base de l'article 446ter du Code judiciaire, fixer librement le prix de son intervention sans devoir au préalable consulter son client et obtenir son accord sur le tarif pratiqué. La seule limite pour l'avocat est de rester dans les limites de la juste modération. 2
En outre, il incombe aux clients de démontrer que leur avocat a établi son décompte de frais et honoraires de manière fautive ou excessive, en dépassant les bornes de la juste modération qui, en la matière, sert de garde-fou à d'éventuels abus. 3
Le juge peut, en tout état de cause, solliciter l'avis du Conseil de l'Ordre des avocats afin d'obtenir des informations intéressantes sur l'importance des prestations accomplies, leur efficacité, ainsi que sur les critères habituellement retenus pour apprécier si la taxation a été réalisée avec la discrétion attendue de celui qui a prêté ses services. Toutefois, il ne s'agit que d'un avis et le juge est libre de le suivre ou de s'en distancer. 4
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1. Cour d'appel de Bruxelles, 3 mars 2011, RG : 2007/AR/609, n° F-20110303-7, www.cass.be
2. Pour plus d'informations sur les informations à fournir au client en matière d'honoraires, de frais et de débours : Voyez articles 5.18 et suivants du Code de déontologie de l'avocat (15 octobre 2012).
3. Liège, 12 avril 2005, J.L.M.B., 29/2006, p. 1268, note. J.-P., Buyle : « La reconnaissance de dette d'un client ne porte pas préjudice au droit de vérifier la juste modération des honoraires demandés par son avocat ».
4. Liège, 5 février 1999, J.T., 1999, p. 292, J.L.M.B., 1999, p. 931.