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AVOCAT

Bon a savoir

8 Juillet 2016

L'accord procédural des parties

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Présentation des faits 1

L'action introduite par l’administration fiscale contre la banque X devant le premier juge tendait à faire condamner celle-ci, sous peine d'astreinte, à satisfaire à une demande de renseignements qui lui avait été adressée le 30 juin 1999, en application de l'article 319bis du Code des impôts sur les revenus 1992, par un service de recouvrement d'impôts.

Cette demande portait sur diverses mentions devant figurer dans les livres de la banque. Celle-ci a refusé de répondre en invoquant son obligation au secret.

Le premier juge a déclaré la demande non fondée, estimant que l'administration ne pouvait obtenir gain de cause sur la base de l'article précité.

L’administration fiscale a alors interjeté appel contre la décision rendue en première instance.

La Cour d'appel de Liège, dans son arrêt du 28 novembre 2003, a invité les parties à s'expliquer sur l'application en l'espèce de l'article 877 du Code judiciaire. Après cette réouverture des débats, l’administration fiscale a demandé à la Cour d'appel de lui donner acte du fait qu'elle renonce à se prévaloir d'une éventuelle application de l'article 877 du Code judiciaire.

Nonobstant cet accord procédural exprès, la Cour d’appel décide de faire application d’office dudit article 877, « aux motifs qu’il lui appartient de trancher le litige par une voie légale non souhaitée par les parties, mais qui lui paraît plus adéquate sur le plan de la sécurité juridique […] et que les parties n’ont pas le pouvoir de restreindre celui des juges dans le cadre de l’exercice du rôle actif du juge […] ».

La banque X forme alors un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel de Liège.

 

Décision de la Cour

La Cour de cassation souligne, tout d’abord, que les juges d'appel ont invité les parties à s'expliquer sur l'application éventuelle de l'article 877 du Code judiciaire.

La Cour précise, ensuite, que tant l’administration fiscale que la banque ont, en conclusions, demandé au juge d'appel de trancher le litige sur la seule base de l'article 319bis du Code des impôts sur les revenus 1992 et ont exclu l'application de l'article 877 précité.

Elle considère, enfin, que dans la mesure où les parties ont expressément entendu limiter le débat à ce point de droit, les juges d'appel ne pouvaient, sans méconnaître le principe dispositif, décider d’appliquer l'article 877 du Code judiciaire.

Par conséquent, la Cour casse l’arrêt de la Cour d’appel de Liège.

 

Bon à savoir

Les parties, dans la mesure où elles ont seules le pouvoir de délimiter la matière litigieuse, peuvent, par un accord procédural, lier le juge sur un point de fait ou de droit auquel elles entendent circonscrire les débats 2.

Elles peuvent ainsi décider d’écarter le recours à une ou plusieurs mesures d’instructions qu’elles déterminent dans l’accord. Elles peuvent également s’accorder sur l’exclusion de la qualification d’un contrat d’entreprise pour ne retenir que la qualification de contrat de vente. Elles peuvent enfin limiter les débats à la seule exécution du contrat.

En application du principe dispositif 3, consacré par l’article 1138, 2° et 3° du Code judiciaire, pareil accord est valable et le juge doit s’y conformer, pour autant qu’il soit exprès et qu’il respecte l’ordre public matériel 5. 6

Précisons que par « accord explicite », il y a lieu d’entendre l’accord non formulé en termes sacramentels, mais de façon expresse. Est, dès lors exclu, l’accord procédural tacite, qui posait d’ailleurs de nombreuses difficultés pratiques 7.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Cass., 2 juin 2005, Pas., 2005, liv. 5-6, 1167, concl. A. Henkes.

2. H. Boularbah, Ph. Gérard, J.-F. van Drooghenbroeck, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles, Bruylant, 2012, n°522.

3. Auquel la Cour reconnaît le statut de principe général de droit (Cass., 5 octobre 1984 Pas. 1985, I, p. 181).

4. Cass., 9 mai 2008, R.W., 2008-2009, p. 1765, note de S. Mosselmans ; J.-F. Van Drooghenbroeck, « La requalification judiciaire du contrat et des prétentions qui en découlent », R.G.D.C., 2014, liv. 7, p. 318.

5. Cass., 28 septembre 2012, J.L.M.B., 2012, p. 1297, concl. Ch. Vandewal.

6. G. Closset-Marchal, « Les accords procéduraux et le procès civil », R.G.D.C., 2012, p. 133 ; C. Marquet, « Relevé d’office des moyens de fait et de droit : synthèse », in Actualités en droit judiciaire, Bruxelles, Larcier, 2013, n°83 ; J.-Fr. van Drooghenbroeck, « Le juge, les parties, le fait et le droit », in Actualités en droit judiciaire, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 183 et s. ; J.-F. Van Drooghenbroeck, « La requalification judiciaire du contrat et des prétentions qui en découlent », R.G.D.C., 2014, liv. 7, p. 318.

7. I. Verougstraete, M. De Swaef, P. Lecroart et S. Lierman, Rapport annuel de la Cour de cassation de Belgique 2008, p. 122, disponible sur http://justice.belgium.be.