La résiliation par le client de la convention conclue avec l'avocat
Présentation des faits 1
Maître X était un avocat désigné par le ministère des Finances pour défendre les intérêts de ce dernier dans différents dossiers. Les deux parties étaient liées par un contrat qui prévoyait une rétribution sous forme d'abonnement, l'avocat étant payé sur base d'un forfait annuel jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de 65 ans.
Cependant, le ministère rompit le contrat avant cette échéance. L'avocat assigna l'Etat belge pour l'obtention d'arriérés d'honoraires et de son manque à gagner, c'est-à-dire pour les rétributions auxquelles il aurait normalement eu droit si le ministère n'avait pas mis fin au contrat avant l'échéance escomptée.
L'avocat fonda sa demande sur la base l'article 1794 du Code civil qui autorise le maître de l'ouvrage à résilier le contrat d'entreprise pour autant qu'il indemnise l'entrepreneur de son manque à gagner. En première instance comme en appel, les juridictions firent droit à la demande de l'avocat. L'Etat belge se pourvut en cassation.
Arrêt de la Cour de cassation
Dans son arrêt la Cour rappelle qu'une des principales caractéristiques de la relation entre un avocat et son client est la confiance. Cette confiance est le fondement nécessaire de la convention conclue entre un avocat et son client. Cela permet au client de mettre fin à la convention qui le lie à l'avocat à tout moment, sous réserve de l'abus de droit et du principe de l'exécution de bonne foi des conventions.
Si les arriérés d'honoraires sont évidemment dus, cette résiliation par le client s'opère sans indemnité pour les profits escomptés des services futurs. Cette faculté résulte du libre choix de l'avocat et, in fine, de l'exercice des droits de la défense. En condamnant l'Etat belge à payer à l'avocat une indemnité pour les bénéfices que ce dernier pouvait escompter de la poursuite du contrat jusqu'à son terme, l'arrêt attaqué viole le droit de défense du demandeur. La Cour casse donc cet arrêt.
Bon à savoir
Le client est libre de mettre fin sans motifs à sa relation avec son avocat moyennant le remboursement de ses frais et le paiement des honoraires afférents aux prestations déjà effectuées, mais sans indemnisation du lucrum cessans 2.
Ce principe résulte d'un usage 3 qui procède de la nécessaire confiance qui fonde les rapports intuitu personae entre l'avocat et son client et de ce que la liberté de choix de l'avocat ressortit à l'exercice des droits de la défense qui sont d'ordre public 4.
L'exclusion de l'indemnisation du lucrum cessans est ainsi justifiée pour les professionnels qui, par suite des usages ou en raison du poids de la tradition, sont soumis au régime du mandat et non à celui de l'entreprise 5.
Si cet enseignement n'est pas nouveau, la Cour l'applique également au cas, plus rare, où l'avocat est lié à un client institutionnel qui le rétribue sur base d'un abonnement. Dans pareil cas, le client peut mettre fin, non seulement à la convention par laquelle il confie à un avocat sa défense dans une contestation déterminée, mais également à son engagement de lui confier cette défense lors des contestations futures, pour un montant d'honoraires déterminé, dans le cadre d'un abonnement. La Cour considère en effet qu'un tel engagement repose sur la même confiance.
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1. Cass., 17 février 2011, J.T., 2011/30, p. 633.
2. B. Merchiers, « La fin des contrats de service », in Les contrats de service, éd. du Jeune barreau de Bruxelles, 1994, n° 25, p. 301.
3. De Page, t. IV, n° 860.
4. C.E., arrêt n° 67.990 du 5 septembre 1997, R.C.J.B., 1997, p. 5.
5. P. Wéry, Droit des obligations, vol. I, Larcier, 2010, n° 974.