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AVOCAT

Bon a savoir

5 Février 2016

MAUVAIS - Consultation des extraits de compte de l'avocat – Violation du secret professionnel

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MAUVAIS -

Présentation des faits 1

La requérante, Maître B. est une avocate de nationalité portugaise, résidant au Portugal.

Procédant au contrôle de la comptabilité de la société d'avocats de Maître B., l'administration fiscale a relevé que celle-ci ne s'était pas acquittée de la taxe sur la valeur ajoutée concernant des honoraires perçus au cours des années 2005 et 2006, dont les paiements avaient été réalisés sur son compte bancaire personnel. L'administration fiscale lui a donc demandé de présenter ses relevés de compte bancaire personnel, ce à quoi Maître S. s'est opposée en invoquant les secrets professionnel et bancaire.

Le parquet près le Tribunal de Faro a ouvert une enquête pour fraude fiscale. Le 18 septembre 2009, Maître B. a été mise en examen.

Par une requête du 30 octobre 2009, le ministère public a demandé au juge d'instruction d'ouvrir un incident de procédure visant la levée du secret professionnel.

Par une ordonnance du 6 novembre 2009, le juge d'instruction a demandé à la Cour d'appel d'Évora d'autoriser la levée des secrets professionnel et bancaire. Il a rappelé que le secret professionnel n'était pas absolu et ne pouvait empêcher l'administration de la justice et la découverte de la vérité matérielle, ces valeurs étant supérieures à celles que le secret professionnel vise à protéger.

Le 12 janvier 2010, la Cour d'appel d'Évora a ordonné la levée du secret professionnel et du secret bancaire, estimant que l'intérêt public devait prévaloir sur l'intérêt privé.

Maître B. a alors attaqué l'arrêt de la Cour d'appel devant la Cour suprême, qui a déclaré le pourvoi de Maître B. irrecevable.

Par une ordonnance du 29 juillet 2011, le parquet près le Tribunal de Faro a classé la procédure pénale ouverte contre Maître B. pour fraude fiscale sans suite.

Maître B. a ensuite saisi la Cour européenne des droits de l’Homme de l’affaire.

 

Décision de la Cour européenne des droits de l’Homme

La Cour juge que la consultation des extraits de comptes bancaires de Maître B. a constitué une ingérence dans son droit au respect du secret professionnel, qui fait partie du domaine de la vie privée. Cette ingérence avait une base légale (l'article 135 du Code de procédure pénale), et poursuivait un but légitime, à savoir la prévention des infractions pénales au sens de l'article 8, § 2, de la Convention.

La Cour observe que la procédure visant la levée du secret professionnel par lequel Maître B. était liée en sa qualité d'avocate s'est déroulée, certes, devant un organe judiciaire, mais sans que l'intéressée n'y participe. En effet, elle n'a pris connaissance de la levée du secret professionnel et du secret bancaire concernant ses extraits de comptes bancaires qu'au moment où elle a reçu la notification de l'arrêt de la Cour d'appel d'Évora du 12 janvier 2010. Maître B. n'est donc intervenue à aucun moment au cours de cette procédure et n'a ainsi pas pu présenter ses arguments.

La Cour observe ensuite que le droit portugais prévoyait la consultation de l'Ordre des avocats dans le cadre de la procédure visant la levée du secret professionnel. Or, en l'espèce, force est de constater que l'Ordre des avocats n'a pas été sollicité. Même si, eu égard à la jurisprudence portugaise, un avis de l'Ordre des avocats n'aurait pas eu d'effet contraignant, la Cour estime que l'intervention d'un organisme indépendant était en l'espèce nécessaire, dans la mesure où les informations réclamées étaient couvertes par le secret professionnel.

En ce qui concerne le contrôle efficace pour contester la mesure litigieuse, la Cour note que le pourvoi que Maître B. a formé devant la Cour suprême pour contester la décision de la Cour d'appel d'Évora n'a pas fait l'objet d'un examen au fond, la haute juridiction ayant considéré que Maître B. ne disposait pas de la possibilité de faire appel de cet arrêt. La Cour considère que le simple fait que le recours de Maître B. ait été déclaré irrecevable par la Cour suprême ne satisfait pas l'exigence d'un contrôle efficace posée par la Convention européenne des droits de l’Homme. Maître B. n'a donc disposé d'aucun recours pour contester la mesure litigieuse.

Compte tenu de l'absence de garanties procédurales et d'un contrôle juridictionnel effectif de la mesure litigieuse, la Cour estime que les autorités portugaises n'ont pas ménagé, dans la présente espèce, un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et les exigences de protection du droit de la requérante au respect de sa vie privée.

Par conséquent, la Cour estime qu’il y a eu violation de l'article 8 de la Convention.

 

Bon à savoir

Le présent arrêt présente un triple intérêt.

Premièrement, l’arrêt confirme que le secret professionnel de l'avocat bénéficie de la protection de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Cette protection peut relever du droit au respect du « domicile » de l'avocat. Tel est souvent le cas lorsqu’il est question d’une perquisition effectuée à son cabinet. Mais, cette protection relève aussi du droit au respect de la vie privée de l'avocat, dès lors que la notion de vie privée englobe les activités professionnelles (§ 43). C’est précisément à la lumière de cette notion que la Cour condamne la consultation par l'administration fiscale des extraits de comptes bancaires de Maître B., avocate de nationalité portugaise soupçonnée de fraude à la TVA.

Deuxièmement, il rappelle que, s'agissant de documents couverts par le secret professionnel, l’intervention d'un organisme indépendant, comme l'Ordre des avocats, est nécessaire, même si cet organisme n’est doté que d'une compétence purement consultative (§ 57).

Troisièmement, l'arrêt insiste sur l'exigence d'un contrôle juridictionnel efficace (§58) ou, à tout le moins effectif (§ 59) 2 de toute mesure attentatoire au secret professionnel de l'avocat 3.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. C.E.D.H., 1er décembre 2015, J.T., 2016/5, n° 6633, pp. 81-82.

2. Article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

3. F. KRENC, « Le secret professionnel et la « vie privée » de l'avocat », obs. sous C.E.D.H., 1er décembre 2015, J.T., 2016/5, p. 82.