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AVOCAT

Bon a savoir

2 Octobre 2015

Le mandat spécial de l'avocat relatif à l'exercice de l'option héréditaire

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Présentation des faits 1

Par acte notarié du 29 septembre 1993 passé devant le notaire D, Madame A a mandaté son avocat, Maître Y, en vue de faire en son nom, au greffe des successions du Tribunal de première instance de Nivelles, une déclaration d’acceptation pure et simple, ou sous bénéfice d’inventaire, de la succession de son cousin, Monsieur R, décédé le 11 septembre 1992.

Le 22 décembre 1993, Maître Y s’est rendu au greffe afin d’y faire la déclaration. Il lui a été présenté un formulaire préimprimé. La mention « accepte sous bénéfice d’inventaire » a été biffée par erreur, de sorte qu’apparaissait sur le document, la seule mention « déclare renoncer à la succession ». Maître Y ne s’est pas rendu compte de cette erreur et a signé au nom de Madame A, un acte de renonciation à la succession de Monsieur R.

Avisé de cette erreur par sa cliente le 4 mars 1994, Maître Y lui a déclaré qu’il en acceptait la responsabilité. Il a ainsi déclaré immédiatement le sinistre à son assureur en responsabilité professionnelle, la SA AGF, laquelle lui répondit qu’elle avait l’intention d’indemniser le préjudice de Madame A.

Maître Y a ensuite avisé le notaire D de cet incident, lui demandant d’interroger les autres héritiers sur la position qu’ils adoptaient face à ce problème.

Les opérations de liquidation-partage se sont poursuivies, sans qu’il soit tenu compte de la part de Madame A dans la succession, soit 1/24e en nue-propriété et 2/24es en pleine propriété ; l’acte de liquidation en est d’ailleurs signé le 26 octobre 1995.

La SA AGF a, par la suite, refusé d’indemniser Madame A, considérant que son dommage n’a pas été établi.

Par exploit d’huissier signifié le 18 décembre 1995, Madame A a alors poursuivi la condamnation de Maître Y au paiement de 441.487 BEF à titre provisionnel sur un dommage évalué à 1.000.000 BEF, et celle de la SA AGF en garantie de ce paiement.

Par citation en intervention forcée du 26 mars 1996, Maître Y et la SA AGF citent le greffier en chef du Tribunal de première instance de Nivelles, l’Etat belge et le notaire D, en vue de les entendre condamner à les garantir de toute condamnation qui serait mise à leur charge.

Le premier juge a fait droit à la demande de Madame A.

Par requête du 26 février 1999, la SA AGF et Maître Y ont alors interjeté appel de la décision et postulent sa réformation.

Par requête du 2 mars 1999, le greffier en chef du Tribunal de première instance de Nivelles et l’Etat belge ont également relevé appel de la décision et ont postulé sa réformation.

Madame A a alors formé un appel incident, poursuivant la condamnation solidaire de Maître Y et de la SA AGF à lui payer les sommes réclamées devant le premier juge.

Eu égard au caractère exécutoire du jugement attaqué, la SA AGF a consigné, le 29 avril 1999, la totalité du montant de la condamnation, soit 598.540 BEF.

 

Décision de la Cour d’appel de Bruxelles

La Cour d’appel de Bruxelles rappelle tout d’abord qu’une déclaration de renonciation à une succession est un acte solennel soumis au respect de certaines formalités visées à l’article 784 du Code civil, destinées notamment à protéger la volonté de la partie qui y consent, en attirant son attention sur l’importance de l’acte qu’elle accomplit.

La Cour d’appel précise ensuite que la rétractation d’une renonciation est soumise à de très strictes conditions énoncées à l’article 790 du Code civil. En raison du caractère solennel d’un tel acte, l’avocat qui accepte de le réaliser au nom de son client doit se faire préalablement remettre par celui-ci une procuration écrite lui conférant le pouvoir spécifique de renoncer en ses lieu et place.

La Cour rappelle en outre qu’une déclaration de succession sous bénéfice d’inventaire est également un acte solennel soumis au respect de certaines formalités visées à l’article 793 du Code civil destinées à protéger celui qui y consent. Elle doit, en effet, être précédée ou suivie d’un inventaire fidèle et exact des biens de la succession, lequel doit être réalisé dans des formes et délais rigoureux.

Eu égard à cette solennité, l’avocat qui la réalise au nom et pour compte de son client doit aussi justifier d’un mandat spécial. Tant l’acceptation d’une succession sous bénéfice d’inventaire que la renonciation pure et simple sortent en effet du mandat ad litem de l’avocat.

La Cour d’appel estime qu’en renonçant à une succession qu’il était spécialement chargé d’accepter, Maître Y a, en réalité, agi en dehors des limites du mandat qui lui avait été conféré par Madame A. En agissant sans pouvoir, Maître Y a ainsi commis une faute. Il tombe, en effet, véritablement sous le sens que tout autre avocat, normalement prudent et diligent se serait abstenu, dans les mêmes circonstances, d’accomplir un acte juridique pour lequel il n’était pas mandaté.

Toutefois, le mandant n’est pas tenu de ce qui a pu être fait par le mandataire au-delà des engagements pour lesquels un pouvoir lui avait été donné, sauf ratification ultérieure 2. La renonciation signée par Maître Y est donc, sauf ratification éventuelle de Madame A., inopposable à cette dernière.

Par ailleurs, la Cour souligne que la faculté d’accepter ou de renoncer à une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers, à savoir trente ans. Dès lors que Monsieur R est décédé le 11 septembre 1992, l’action en pétition d’hérédité de Madame A n’est pas prescrite. Il lui est donc encore possible de faire valoir ses droits, en acceptant la succession de Monsieur R, de provoquer l’annulation du partage réalisé par le notaire D et d’obtenir sa part d’héritage. Eu égard à ces considérations, et dès lors que le dommage dont elle demande réparation représente la contre-valeur financière de cette part d’héritage, son dommage n’est pas établi.

Par conséquent, la Cour d’appel de Bruxelles déclare l’appel principal de Maître Y et la SA AGF, ainsi que celui du greffier en chef et de l’Etat belge fondés, et réforme le jugement attaqué.

 

Bon à savoir

Dans certains cas, l’avocat agit comme le mandataire (mandat ad litem) de son client, lorsque celui-ci lui donne le pouvoir de réaliser des actes juridiques en son nom, de le représenter en justice et d’accomplir des actes de procédure 3.

Le siège de la matière se trouve à l’article 440, alinéa 2, du Code Judiciaire, lequel dispose que « l'avocat comparaît comme fondé de pouvoirs sans avoir à justifier d'aucune procuration, sauf lorsque la loi exige un mandat spécial ».

Toutefois, pour transiger, renoncer à un droit ou effectuer un désistement d’action 4, l’avocat doit justifier d’un mandat spécial. C’est le cas de l’acceptation d’une succession sous bénéfice d’inventaire ainsi de la renonciation pure et simple, qui en raison de leur solennité sortent du mandat ad litem de l’avocat 5.

En renonçant à une succession qu’il était spécialement chargé d’accepter, l’avocat mandaté agit en dehors des limites du mandat qui lui a été conféré par son client et, partant, commet une faute dans la mesure où il n’agit pas comme un avocat normalement prudent et diligent 6.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Bruxelles (2ème Ch.), 12 mars 2003, J.T., 2003, p. 582.

2. Article 1998, alinéa 2 du Code civil.

3. Bruxelles, 15 octobre 1986, Pas., 1986, II, p. 183. D. STERCKX, observations sous C. trav. Gand, 19 mai 1988, J.T., 1988, p. 146.

4. Cass., 15 mars 1994, Pas., 1994, I, p. 309. Voy. également Liège, 15 janv. 2004, J.L.M.B., 2005, liv. 7, p. 302.

5. C. MELOTTE, « La responsabilité professionnelle des avocats », in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Titre II, Dossier 28bis, Waterloo, Kluwer, 2005, p. 9.

6. Bruxelles (2ème Ch.), 12 mars 2003, J.T., 2003, p. 582.