La responsabilité de l’avocat qui contourne les règles régissant l’ancienneté minimale à posséder pour pouvoir être Maître de stage
Présentation des faits 1
Il est reproché à Maître A. quatre faits.
Tout d’abord, Maître A. a fait conclure un contrat de stage par Maître B. et Maître C., avec un autre avocat agissant comme prête-nom, à savoir Maître F. Ce dernier possédait, en effet, l’ancienneté requise pour être maître de stage, alors que Maître A. ne possédait pas l’ancienneté nécessaire.
Les contrats de Maître B. et Maître C. ont été conclus le 21 mai 2012 avec Maître F. Ils n’ont toutefois pas rencontré Maître F. à ce moment-là, mais l’ont uniquement croisé au Palais de justice ultérieurement.
Maître B. a également déclaré qu’il travaillait sous la supervision de Maître A. C’est ce dernier qui corrigeait notamment ses courriers.
Maître F. avait, par ailleurs, reçu une autorisation du bâtonnier pour déléguer ses fonctions de maître de stage à un autre cabinet d’avocats. Il devait toutefois respecter plusieurs conditions. Tout d’abord, c’était à lui qu’appartenait l’obligation de payer le stagiaire. Il devait, en plus, conserver « un certain contrôle de la formation du stagiaire ».
Concernant Maître B. et Maître C., Maître F. avait déclaré que « les choses devaient encore se mettre en place ».
Maître A. et Maître F. n’ont pas la même adresse et ne sont pas associés.
Les mails de Maître B. et Maître C. viennent du cabinet de Maître A. et portent la signature de ce cabinet.
Ensuite, il lui est reproché de ne pas avoir payé Maître B. et Maître C. pour les prestations effectuées jusqu’au 23 juillet 2012. Maître A. a, en effet, mis fin à la relation de travail avec Maître C. à cette date.
Troisièmement, Maître A. a mis fin à la relation de collaboration conclue avec Maître D. sans préavis ni indemnité le 23 juillet 2012. Il ne lui a pas non plus payé la rémunération due pour les prestations effectuées jusqu’à cette date.
Enfin, Maître A. a accédé aux boîtes de messagerie de Maître B. et de Maître C. sans leur consentement et a ainsi pris connaissance du contenu de leurs e-mails.
Décision du Conseil de discipline
Concernant le premier grief, le Conseil rappelle la règle prévue à l’article 11 du règlement du stage 2. Selon cet article, pour pouvoir être maître de stage, un avocat doit être inscrit au tableau de l’Ordre depuis au moins cinq ans.
Le Conseil de discipline base sa décision sur les déclarations de Maître B., sur le fait que Maître A. et Maître F. ne sont pas associés et n’ont pas la même adresse ainsi que sur l’adresse mail de Maître A. et Maître B., portant clairement la signature du cabinet de Maître A. Il ressort, en effet, des déclarations de Maître B. qu’il travaillait clairement sous la supervision de Maître A.
C’est pourquoi le Conseil de discipline estime, qu’en pratique, c’était bien Maître A. qui assumait les fonctions de maître de stage, en particulier c’était lui qui contrôlait la formation des avocats stagiaires. Maître A. n’avait toutefois pas l’ancienneté requise.
Quant au deuxième grief, le Conseil de discipline constate que Maître A. a reconnu l’existence d’un incontestablement dû à l’égard de Maître D., Maître B. et Maître C.
Concernant le troisième grief, la Conseil de discipline rappelle que l’article 20 du règlement du stage 3 prévoit que chacune des parties peut mettre fin au contrat moyennant un préavis de trois mois au moins, notifié par écrit. Durant les trois premiers mois, il s’agit d’un préavis de quinze jours notifié par écrit.
Le Conseil de discipline estime dès lors que Maître A. a violé cette obligation lorsqu’il a mis fin au contrat de stage avec effet immédiat en date du 23 juillet 2012.
Enfin, quant au quatrième grief, Maître A. considère qu’il a reçu les mails de Maître B. et Maître C. puisqu’il est le destinataire automatique de l’adresse mail @avocat.be.
À cet égard, le Conseil de discipline conclut que rien ne prouve que Maître A. a effectivement pris connaissance des mails de Maître B. et Maître C.
Le Conseil de discipline condamne Maître A. à une peine de suspension de deux mois assortie d’un sursis. Pour ce faire, il prend notamment en considération la gravité et la répétition des faits reprochés à Maître A.
Bon à savoir
Selon l’article 3.5 du Code déontologique de l’avocat, « (…) peut être maître de stage tout avocat en règle de cotisation à l’Ordre, inscrit au tableau de l’Ordre ou à la liste des avocats qui exerce sa profession sous le titre professionnel d’un autre État membre de l’Union européenne, depuis cinq années au moins, et qui n’a pas subi une peine de suspension dans les cinq années précédentes. Etre maître de stage requiert en outre, de la part de celui qui entend en assumer la fonction et la responsabilité, des qualités de probité, d'honorabilité, de disponibilité et d’aptitude à la formation ».
Un avocat qui n’est pas inscrit au tableau de l’ordre depuis cinq ans au moins ne peut en principe pas exercer les fonctions de maître de stage. Il ne peut en effet pas assumer lui-même la fonction de contrôle de la formation de l’avocat stagiaire 4.
Selon l’article 3.9 du Code déontologique de l’avocat, « chacune des parties peut mettre fin au contrat moyennant un préavis de trois mois au moins, notifié par écrit ; toutefois, pendant les trois premiers mois du contrat, chaque partie peut mettre fin à celui-ci moyennant un préavis de 15 jours notifié par écrit ».
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1. Conseil de discipline des barreaux francophones du ressort de la Cour d’appel de Bruxelles, 4 avril 2014, J.L.M.B., 2014, liv. 20, p. 937.
2. Il s’agit aujourd’hui de l’article 3.5 du Code de déontologie de l’avocat, entré en vigueur le 17 janvier 2013.
3. Il s’agit aujourd’hui de l’article 3.9 du Code de déontologie de l’avocat, entré en vigueur le 17 janvier 2013.
4. Conseil de discipline des barreaux francophones du ressort de la Cour d’appel de Bruxelles, 4 avril 2014, J.L.M.B., 2014, liv. 20, p. 937.