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AVOCAT

Bon a savoir

14 Novembre 2014

Le secret professionnel de l'avocat et la problématique du blanchiment d'argent

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Présentation des faits 1

Un recours en annulation a été introduit devant la Cour constitutionnelle par l'Ordre des barreaux francophones et germanophones contre plusieurs dispositions de la loi du 12 janvier 2004 modifiant la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux.

L'Ordre fait principalement valoir que l'article 4 de la loi du 12 janvier 2004, en ce qu'il rend la loi du 11 janvier 1993 applicable aux avocats, est contraire aux principes fondamentaux de l'indépendance de l'avocat et du secret professionnel, dès lors que les avocats ont désormais l'obligation d'informer le bâtonnier de l'Ordre lorsqu'ils constatent des faits qu'ils savent ou soupçonnent d'être liés au blanchiment de capitaux. Cette atteinte est par ailleurs disproportionnée et incompatible avec les engagements internationaux de la Belgique en matière de droits de l'homme et des droits de la défense.

Décision de la Cour constitutionnelle

Dans un premier temps, la Cour constate que l'extension des champs d'application de la loi du 11 janvier 1993 résulte d'une directive européenne. A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 26 juin 2007, a estimé que le droit à un procès équitable, n'est pas violé par les obligations faites aux avocats d'information et de coopération avec les autorités responsables de la lutte contre le blanchiment de capitaux.

La Cour constitutionnelle poursuit en disant que bien que la lutte contre le blanchiment de capitaux constitue un objectif légitime d'intérêt général, celui-ci ne peut justifier une levée inconditionnelle ou illimitée du secret professionnel de l'avocat. En effet, le secret professionnel est un principe général qui assure à tout client la liberté de s'adresser à son avocat sans craindre que les confidences dont il ferait état puissent être ultérieurement divulguées.

En conséquence, les informations connues de l'avocat à l'occasion de l'exercice des activités essentielles de sa profession, y compris dans les matières énumérées à l'article 2ter, à savoir l'assistance et la défense en justice du client, et le conseil juridique, même en dehors de toute procédure judiciaire, demeurent couvertes par le secret professionnel, et ne peuvent pas être portées à la connaissance des autorités.

Ce n'est que lorsque l'avocat exerce une activité, dans les matières énumérées à l'article 2ter, en dehors de sa mission spécifique de défense et de représentation en justice et de celle de conseil juridique, qu'il peut être soumis à l'obligation de communication aux autorités des informations dont il a connaissance.

La Cour conclut dès lors que pour autant que l'article 4 de la loi du 12 janvier 2004 soit interprété de cette manière, il n'y a pas d'atteinte disproportionnée au secret professionnel de l'avocat et le recours en annulation doit être rejeté.

Bon à savoir

Afin d'accroître l'efficacité de la lutte contre le blanchiment, la Belgique a instauré par une loi du 11 janvier 1993 un dispositif de prévention du blanchiment, lequel crée un système de déclaration des transactions suspectes 2.

L'article 4 de la loi du 12 janvier 2004 a étendu aux avocats cette obligation de déclaration dans certaines limites. En effet, la loi du 11 janvier 1993 ne leur est applicable que lorsque l'avocat exerce une des activités visées à l'article 2ter en dehors de sa mission spécifique de défense et de représentation en justice et de celle de conseil juridique. Les activités visées sont l'assistance dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant l'achat ou la vente de biens immeubles ou d'entreprises commerciales ; la gestion de fonds, de titres ou d'autres actifs appartenant au client ; l'ouverture ou la gestion de comptes bancaires ou d'épargne ou de portefeuilles ; l'organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés ; la constitution, la gestion ou la direction de sociétés, de trusts, de fiducies ou de constructions juridiques similaires ; ainsi que lorsque l'avocat agit au nom de son client et pour le compte de celui-ci dans toute transaction financière ou immobilière 3.

Il s'agit des activités dont le législateur suppose qu'elles ne participent pas à l'activité traditionnelle de l'avocat dans notre pays 4. En dehors de ces hypothèses, l'avocat reste soumis au secret professionnel.

A cet égard, citons la Cour européenne des Droits de l'Homme, dans un arrêt du 6 décembre 2012, a jugé que l'obligation de déclaration de soupçons de blanchiment ne porte pas une atteinte disproportionnée au secret professionnel de l'avocat, dès lors que cette obligation ne pèse sur celui-ci qu'en dehors de sa mission de défense et que la mise en œuvre de cette obligation est systématiquement subordonnée au rôle de filtre assuré par le bâtonnier.

Lorsque l'activité de l'avocat entre dans le champ d'application de la loi, plusieurs obligations lui sont imposées. Premièrement, il a l'obligation d'identifier ses clients et les mandataires de ces derniers et de vérifier leur identité, au moyen d'un document probant dont il prend une copie sur support papier ou électronique 5. Une simple retranscription manuelle ne suffit donc pas.

Deuxièmement, l'avocat doit faire preuve d'une vigilance constante et procéder à un examen attentif des opérations effectuées afin de s'assurer que celles-ci sont cohérentes avec la connaissance qu'il a de son client, de ses activités commerciales, de son profil de risque et, lorsque cela est nécessaire, de l'origine des fonds 6. Les questions ou transactions atypiques, incompréhensibles, inexplicables, extraordinaires ou anormales doivent notamment faire l'objet d'une attention particulière et d'une interrogation adéquate du client 7.

Troisièmement, l'avocat doit conserver les données relatives à l'identification des clients pendant au moins cinq ans après avoir mis fin à la relation d'affaire ou après la fin de l'opération réalisée 8. Quatrièmement, l'avocat a l'obligation de former et de sensibiliser son personnel (employés et collaborateurs) à la détection du blanchiment 9.

Pour finir, l'avocat est tenu d'informer le bâtonnier de l'Ordre dès qu'il a connaissance ou qu'il soupçonne des faits liés au blanchiment de capitaux. Le bâtonnier constitue en quelque sorte un filtre supplémentaire chargé de vérifier le respect des conditions posées par la loi, notamment en ce qui concerne le respect des droits de la défense 10. Si le bâtonnier estime que les soupçons sont fondés, il saisira la cellule de traitement des informations financières (CTIF). Dans ce cas, la CTIF peut s'adresser directement à l'avocat concerné pour lui demander tous renseignements complémentaires qu'elle juge utile à l'exercice de sa mission. Par ailleurs, l'avocat ne peut en aucun cas avertir le client concerné ou des tiers que des informations ont été transmises à CTIF 11.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_____________________________

1. C.C., 23 janvier 2008, M.B., 11 février 2008, p.8933.

2. Loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.

3. Article 3, 5° de la loi du 11 janvier 1993.

4. G.-A. Dal et J. Stevens, « Les avocats et la prévention du blanchiment de capitaux : une dangereuse dérive », J.T., 2014/19, p. 485.

5. Article 7 de la loi du 11 janvier 1993.

6. Article 12 de la loi du 11 janvier 1993

7. Règlement de l'O.B.F.G. du 14 novembre 2011 pris en application des articles 38 et 39 de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

8. Article 15 de la loi du 11 janvier 1993.

9. Article 17 de la loi du 11 janvier 1993.

10.  Doc. parl., Chambre, no 51-0383/001, p. 44.

11.  G.-A. Dal et J. Stevens, « Les avocats et la prévention du blanchiment de capitaux : une dangereuse dérive », J.T., 2014/19, p. 485.