Responsabilité : Le dépôt tardif d'une requête d'appel par l'avocat
Présentation des faits 1
Madame B. a fait appel à un avocat, Maître C., afin qu’il assure la défense de ses intérêts devant le Tribunal du travail vis-à-vis d’une décision administrative prise à son encontre.
Le jugement a été rendu par la juridiction du travail le 1er juin 2004 et déclarait l'action de Madame B. non fondée.
Maître C. a indiqué à Madame B., d’une part, qu’elle pouvait faire interjeté appel de la décision et, d’autre part, le délai dans lequel l’appel pouvait être introduit.
La requête d’appel a toutefois été déposée le 6 septembre 2004, alors que le dernier jour utile pour le dépôt de la requête d'appel était le 12 juillet 2004. Dès lors, l’appel introduit par le conseil de l’avocat a été déclaré irrecevable.
Madame B. a alors agi en responsabilité contre son avocat. Elle a ainsi introduit une demande d'indemnisation à l'encontre de Maître C., suite au dommage subi par le dépôt tardif de la requête d'appel relativement au jugement rendu par le Tribunal du travail.
Maître C. a interjeté appel de la décision, dans le but de débouter Madame B. de sa demande originaire.
Décision de la Cour d’appel de Mons
Au regard de certains courriers, il est présumé que Madame B. souhaitait faire appel de la décision et que son avocat C. avait connaissance de cette volonté.
Par conséquent, il incombait à l’avocat C. de se renseigner sur la date de notification du jugement querellé et de mettre en garde sa cliente quant à l'écoulement du délai et la nécessité de communiquer le rapport du médecin-conseil qu'elle avait consulté pour contredire les conclusions de l'expert judiciaire.
S'il se rendait compte que ce rapport ne pourrait être déposé en temps utile, il lui appartenait de conseiller à Madame B. d'interjeter appel à titre conservatoire afin de conserver tous ses droits.
À cet égard, le fait que Madame B. était avisée du délai pour interjeter appel n'exonérait pas Maître X. de remplir son devoir de conseil.
La Cour d’appel a donc jugé que c'est à bon droit que le premier juge a décidé que Maître C. avait manqué à ses devoirs de diligence et de conseil.
Bon à savoir
L’avocat engage sa responsabilité en cas de manquement à son devoir de conseil et de diligence 2.
Plus spécifiquement, l'avocat est tenu, quant au respect des délais, à une obligation de résultat, puisqu'il s'engage à diligenter certaines procédures dans un certain délai (délai de prescription ou délai d’appel) 3. Par conséquent, l’avocat qui introduit tardivement un recours commet une faute professionnelle, qui engage sa responsabilité 4.
Pour éviter de commettre une faute et ainsi engager sa responsabilité, l’avocat, en vertu de ses devoirs de diligence et de conseil, doit se renseigner sur la date du point de départ des délais de recours, doit mettre en garde son client sur l’écoulement du délai de recours et, le cas échéant, doit conseiller à son client d’interjeter appel, et ce, même à titre conservatoire afin de préserver les droits de son client 5.
Partant, le simple fait d’aviser son client du délai pour interjeter appel n’exonère pas l’avocat de son devoir de conseil 6.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, 21 septembre 2012, J.L.M.B., 2013/34, p. 1742.
2. J.-P. BUYLE, « L’étendue du devoir d’information et de conseil de l’avocat », note sous Liège, 20 février 2003, J.L.M.B., 2003/38, p. 1688.
3. A. BRAUN, Les avocats, collection « Tout savoir sur », Bruxelles, Story Scientia, 1993 ; Voy. également sur cette question : J. LINSMEAU,« La responsabilité de l'avocat dans la mise en œuvre du droit judiciaire », in La responsabilité des avocats, Editions du Jeune barreau de Bruxelles, 1992, pp. 119-164.
4. Civ. Namur, 19 juin 1996, J.L.M.B., 1997, p. 439, obs. J.-P. BUYLE.
5. Civ. Huy (3e chambre), 8 novembre 2001, J.L.M.B., 38/2003, p. 1659.
6. Civ. Bruxelles, 14 avril 2000, J.L.M.B., 2001 p. 426, obs. J.-P. BUYLE.