La preuve en matière disciplinaire
Présentation des faits 1
Au mois de novembre 2008, la presse fait état de l'existence d'une vidéo dans laquelle on voit l'avocat B. interprétant une chanson sur un air connu mais dont les paroles ont été modifiées. Ces paroles comportent un caractère antisémite.
A propos de ce fait, une réunion s'est tenue entre un rapporteur disciplinaire A. et l'avocat X. lors de laquelle l'avocat X. s'est expliqué sur les circonstances de cette vidéo.
Me X. est cité à comparaître devant le Conseil de discipline des barreaux francophone du ressort de la Cour d'appel de Bruxelles du chef de plusieurs griefs dont celui d'avoir chanté cette chanson. Me X. reconnait les faits et admet le mauvais goût du texte chanté dans son mémoire déposé à l'audience.
Le Conseil de discipline décide de radier Me X. du barreau de Bruxelles. Me X. fait appel de cette décision.
Décision du Conseil de discipline d'appel
Le Conseil se prononce, tout d'abord, sur la preuve du fait allégué. Il se prononce, ensuite sur la qualification de ce fait.
Le Conseil commence par rappeler la règle en matière de preuve. En matière disciplinaire comme en matière pénale, la preuve d'un fait peut être établie par tout élément, pourvu qu'il soit rationnel, reconnu par la raison et l'expérience comme pouvant conduire le juge à la conviction « au-delà de tout doute raisonnable » et soumis à la contradiction des débats, dans les limites que cette contradiction implique.
Il ajoute que ce système de liberté des moyens de preuve est complété par la règle de la libre appréciation de la valeur probante du contenu des éléments de preuve produits.
En l'espèce, le Conseil estime que la réalité du fait allégué est établie au-delà de tout doute raisonnable par la conjonction des éléments contenus dans les différents actes de procédure. Il considère, en outre, que ces éléments n'ont pas été recueillis irrégulièrement et ne sont entachés d'aucun vice de nature à ôter leur fiabilité ou à compromettre le droit à un procès équitable.
La réalité des faits est établie et c'est à tort que Me X. allègue que le fait qui lui est reproché a été révélé à la suite d'une calomnie ou une diffamation.
Quant à la qualification du fait allégué, le Conseil considère qu'il constitue un manquement de Me X. au devoir de dignité prévu à l'article 456, al. 1er du Code judiciaire.
Bon à savoir
La règle relative à la preuve prévalant en matière disciplinaire est la même que celle prévalant en matière pénale 2: la preuve est libre.
Par conséquent, la preuve d'un fait peut être établie par tout élément, pourvu qu'il soit rationnel, reconnu par la raison et l'expérience comme pouvant conduire le juge à la conviction au-delà de tout doute raisonnable. 3
Cet élément doit également être soumis à la contradiction des débats, dans les limites que cette contradiction implique. 4
Ce système de liberté de la preuve est complété par la règle de la libre appréciation de la valeur probante du contenu des éléments de preuve produits. Il appartient alors au juge d'établir la valeur probante d'un élément selon son intime conviction. 5
Dès lors, lorsqu'un fait est prouvé au-delà de toute doute raisonnable et que les éléments sur lesquels se basent cette preuve n'ont pas été recueillis de manière irrégulière et ne sont entachés d'aucun vice de nature à ôter leur fiabilité ou à compromettre le droit à un procès équitable, la réalité du fait peut être considérée comme établie.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Conseil de discipline d'appel francophone et germanophone, 18 mai 2011, J.T., 2011/27, pp. 565-567.
2. Pour plus d'informations sur la preuve en matière pénale, voy. H. Van bossuyt et J. Van Drooghenbroeck, La preuve en procédure pénale, Larcier, Bruxelles, 2010.
3. J. De Codt, « Preuve pénale et nullité », Rev. dr. pén. crim., 2009, p. 637.
4. Cass., 7 janvier 2003, R.W., 2003-2004.
5. Voy not. Cass., 19 avril 1994, Pas., I, n° 186.