Le délai de dépôt et d'envoi de conclusions par l'avocat
Présentation des faits 1
L'arrêt attaqué devant la Cour de cassation est un arrêt de la Cour du travail de Mons portant sur le prononcé d'une ordonnance de mise en état après enquête. La partie appelante conclut dans le délai imparti en prétendant que l'intimée n'avait pas conclu dans le délai légal.
L'intimée avait, quant à elle, déposé ses conclusions au greffe avant l'expiration du délai fixé et prétendit les avoir déposées également au Palais de justice de Charleroi dans le casier du conseil adverse.
Plusieurs mois plus tard, l'appelant prend connaissance des conclusions de l'intimée et présente de nouvelles conclusions y répondant et demandant leur écartement des débats pour dépôt tardif.
La Cour du travail de Mons décide de ne pas écarter des débats les conclusions de l'intimée sous motif qu'il appartient à la partie qui n'a pas reçu de conclusions de s'en enquérir auprès du greffe ainsi que, si nécessaire, de prendre contact avec la partie adverse afin de les recevoir. La Cour écarte, par conséquent, les dernières conclusions des appelants, considérant qu'elles avaient été déposées en dehors de tout délai.
L'intimée introduit un pourvoi en cassation de cet arrêt.
Décision de la Cour
La Cour de cassation casse cet arrêt en appliquant l'article 747, § 2, al. 6 du Code judiciaire qui prévoit que les conclusions qui sont remises au greffe ou envoyées à la partie adverse après l'expiration des délais fixés pour conclure, par l'ordonnance de mise en état, sont d'office écartées des débats.
Elle soutient qu'il appartenait aux juges d'appel de vérifier si les conclusions de l'intimée avaient été envoyées à la partie adverse dans les délais fixés avant de prendre position sur leur écartement des débats.
La Cour considère que les conclusions envoyées hors délai à la partie adverse doivent d'office être écartées des débats et ce, malgré le fait que les conclusions ont été déposées en temps utile au greffe du tribunal.
Bon à savoir
Le législateur a fini par consacrer la jurisprudence de la Cour de cassation 2 antérieure à cet arrêt en modifiant l'article 747, § 2, alinéa 6 du Code judiciaire.
Le nouvel article prévoit une double formalité : des conclusions doivent « non seulement être remises au greffe, mais également être envoyées à la partie adverse endéans le délai de conclusion fixé par le juge ». 3
Par cet arrêt, la Cour valide la formalité de l'envoi en utilisant le terme « envoyé » et non pas « communiqué ». Cette formalité est susceptible de porter atteinte aux droits de la défense de la partie recevant les conclusions dans la mesure où un laps de temps peut intervenir entre l'envoi et la réception, ce qui serait susceptible de raccourcir son délai de conclusion. La Cour pourrait, toutefois, éventuellement admettre un prolongement du délai, dans ce cas.
La charge de la preuve de l'envoi repose sur le concluant. La preuve de l'envoi peut, par exemple, être apportée par le document attestant la remise d'un paquet au porteur ainsi que par le prix qui lui a été payé par la course. 4
La règle selon laquelle les conclusions sont d'office écartées des débats lorsqu'elles n'ont pas été remises au greffe ou envoyées à la partie adverse endéans le délai fixé constitue une sanction automatique appliquée à la lettre par la Cour de cassation. Ce n'est pas au destinataire des conclusions de s'enquérir du respect de ses formalités par son adversaire.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cass. (3e ch.), 18 fév. 2013, J.T., 2014/12, pp. 211-212.
2. Cass., 9 décembre 2005, Arr. Cass., 2005, liv. 12, p. 2458.
3. X. Taton et G. Eloy, « A qui incombe la preuve de l'envoi ou du dépôt en temps utile des conclusions », J.T., 2014/12, p. 212.
4. Cass., 4 décembre 2006, Pas., I, p. 2546.