La saisie-arrêt conservatoire diligentée sur base d'un état d'honoraires
Présentation des faits1
Madame X a pratiqué le 23 juin 2013 une saisie-arrêt conservatoire à charge de Monsieur Y, entre les mains de la société anonyme Fortis banque et entre les mains du curateur de faillite, Maître Z, pour la somme de 12.178, 76 euros représentant son état de frais et honoraires pour diverses prestations en tant qu’avocat.
Cet état de frais et honoraires avait été établi le 4 décembre 2000 dans le cadre d’un litige ayant opposé Monsieur Y à la province du Brabant, état d’honoraires qui avait été à l’époque immédiatement contesté.
Par un avis de la commission consultative des honoraires du 3 juillet 2003, le montant des frais et honoraires a été ramené à 3.325, 66 euros.
Le tribunal de première instance de Nivelles avait considéré dans son jugement du 1er avril 2009 que cet état de frais et honoraires ne pouvait fonder la réalisation d’une saisie-arrêt conservatoire sans autorisation du juge des saisies.
Madame X a, alors, interjeté appel de cette décision.
Un arrêt en sens contraire a été, ensuite, rendu par la Cour d’appel de Bruxelles, le 1er février 2011, jugeant qu’une note d’honoraires d’un avocat devait être considéré comme un titre privé au sens de l’article 1445 du Code judiciaire, et que, dès lors, la saisie-arrêt conservatoire diligentée par Madame X contre Monsieur Y, se fondant uniquement sur l’état d’honoraires, était régulière.
Un pourvoi en cassation a, alors, été dirigé contre cet arrêt par Monsieur Y.
Décision de la Cour
La Cour de cassation rappelle tout d’abord que conformément à l’article 1445, alinéa 1er, du Code judiciaire, tout créancier peut, en vertu des titres authentiques ou privés, saisir-arrêter par huissier de justice, à titre conservatoire, entre les mains d’un tiers, les sommes et effets que celui-ci doit à son débiteur.
La Cour précise ensuite que le titre privé qui permet de faire pratiquer une saisie-arrêt conservatoire sur la base de cette dernière disposition, sans autorisation du juge des saisies, est celui que possède déjà le créancier et qui établit sa créance.
Elle considère enfin qu’un état d’honoraires adressé par un avocat à son client ne constitue pas en soi un titre privé au sens de cette disposition, de sorte que la saisie-arrêt conservatoire diligentée le 23 juin 2003 par Madame X à charge de Monsieur Y était irrégulière à cette date.
Par conséquent, la Cour casse l’arrêt attaqué.
Bon à savoir
L’article 1445, al. 1er du Code judiciaire prévoit que tout créancier peut, en vertu des titres authentiques ou privés, pratiquer une saisie-arrêt conservatoire, entre les mains d’un tiers, pour les sommes et effets que celui-ci doit à son débiteur.
À défaut pour le créancier de disposer d’un titre authentique (le plus souvent un jugement) ou privé, il devra solliciter, par requête2, une autorisation du juge des saisies3. Ce dernier peut soumettre cette autorisation à certaines conditions ou modalités4.
Il résulte de ces considérations que la saisie-arrêt conservatoire pratiquée sans ordonnance préalable du juge n’est régulière que si le créancier dispose d’un titre authentique ou privé.
Or, selon la Cour de cassation, un état d’honoraires adressé par un avocat à son client ne peut être assimilé à un titre privé au sens de l’article 1445, al. 1er du Code judiciaire.
Par conséquent, une saisie-arrêt conservatoire diligentée sur base d’un simple état de frais et honoraires d’un avocat et sans autorisation préalable du juge n’est pas régulière.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cass., 28 février 2013, Pas., 2013, liv. 2, p. 502.
2. Art. 1417, C. jud. ; Sur la possibilité pour le saisissant de former cette demande par voie de conclusions dans le cadre d’une procédure en mainlevée diligentée par le saisi, voy. Civ. Tournai, 20 mai 2005, J.L.M.B., 2005, p. 1691.
3. Art 1413, C. jud. ; L. Frankignoul, La saisie-arrêt, in Droit judiciaire. Commentaire pratique, XII. 4, Waterloo, Kluwer, 2011, p. 22.
4. Civ. Bruxelles, 3 juillet 2006 et 26 octobre 2006, J.L.M.B., 2007, p. 627.