La place du plaignant dans le procès disciplinaire
Présentation des faits 1
L'avocat Y. est convoqué devant le conseil de discipline du ressort de la Cour dappel de Bruxelles. La convocation détaille trois catégories de faits qui lui sont reprochés :
- Des faits de démarchages prohibés et des manquements aux règles relatives à la succession d'avocats et aux conflits d'intérêts ;
- Des manquements en matière de perception d'honoraires ;
- Des manquements aux dispositions normatives ayant trait aux contacts de l'avocat avec les médias.
Le conseil de discipline prononce une sentence le 18 mai 2011 en considérant les poursuites entamées contre l'appelant recevables. L'avocat fait appel de cette sentence.
Le 23 novembre 2011, la procédure est reprise en cet état à l'audience du conseil de discipline d'appel. Deux incidents nouveaux sont, toutefois, apparus.
Le premier incident est soulevé par la plaignante qui sollicite une nouvelle confrontation avec l'appelant. Le second incident est soulevé par l'appelant qui sollicite que les débats soient limités au seul examen de l'opportunité des devoirs complémentaires qu'il a postulés en terme de conclusions.
Décision du Conseil de discipline d'appel
Le Conseil commence par se prononcer sur les deux nouveaux incidents.
Concernant la sollicitation par la plaignante d'une nouvelle confrontation avec l'appelant, le conseil de discipline d'appel a joint l'incident au fond et à invité la plaignante à quitter la salle d'audience en raison du huis clos postulé par l'appelant.
Il rappelle qu'une « confrontation » signifie la mise en présence de deux personnes pour opposer ou vérifier leurs déclarations respectives mais il précise que cela n'équivaut pas à une « concertation », à savoir un débat entre le plaignant et l'avocat mis en cause.
La plaignante avait été entendue par le conseil de discipline à l'audience du 16 février 2011. L'appelant n'avait pas souhaité répliquer en sa présence et le conseil d'appel n'estime pas non plus une réplique immédiate nécessaire. La confrontation permise par la loi a, toutefois, eu lieu.
Le conseil estime nécessaire de rappeler que jamais la plaignante ne deviendra « demandeur » dans un procès disciplinaire au sens de l'article 12 du Code judiciaire.
Le conseil considère que la personne qui formule une plainte contre un avocat auprès du bâtonnier sollicite la mise en œuvre de la procédure disciplinaire et peut l'appuyer par une confrontation mais celui-ci ne lui donne pas le droit de participer aux débats.
D'ailleurs, le conseil précise que la sentence, une fois prononcée, n'est portée à la connaissance du plaignant que sur sa demande et pour autant que cela soit jugé opportun.
Le conseil estime donc que l'exigence de confrontation de la plaignante a été rencontrée à suffisance de droit.
Concernant le second incident, le conseil se prononce en défaveur de l'appelant.
Le conseil se prononce, ensuite, sur le fond. Sur les faits de démarchage, de succession d'avocats et de conflits d'intérêts, le conseil considère que la condamnation pour démarchage doit être rapportée tandis que l'acquittement pour les faits de succession d'avocats et de conflits d'intérêts demeure.
Les faits en matière de perception d'honoraires ainsi que les manquements aux dispositions normatives ayant trait aux contacts de l'avocat avec les médias restent établis.
Le conseil de discipline d'appel considère, par conséquent, l'appel partiellement fondé et confirme la sentence sous les émendations que les faits de démarchage reprochés à l'appelant ne peuvent donner lieu à poursuites. La peine maintenue sanctionne désormais tous les autres faits reprochés et jugés établis.
Bon à savoir
En formulant une plainte contre un avocat en mains du bâtonnier, le plaignant sollicite la mise en œuvre de la procédure disciplinaire, sans que cela lui donne le droit de participer aux débats qui conduiront à la décision de la juridiction compétente pour connaître du fond des poursuites disciplinaires.
Le plaignant ne deviendra, par conséquent, jamais « demandeur » dans un procès disciplinaire au sens de l'article 12 du Code judiciaire2.
Le Code judiciaire organise le mécanisme de plainte contre un avocat auprès du bâtonnier3 et prévoit que le plaignant est, à sa demande, entendu à l'audience et éventuellement confronté avec l'avocat concerné4. Cette dernière disposition ne peut, toutefois, être interprétée comme lui permettant d'imposer un débat contradictoire entre lui et cet avocat.
Une « confrontation » signifie la mise en présence de deux personnes pour opposer ou vérifier leurs déclarations respectives mais n'équivaut pas à une « concertation », à savoir un débat entre le plaignant et l'avocat mis en cause.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Conseil de discipline d'appel francophone et germanophone, 25 janvier 2012, J.L.M.B., 2012/8, p. 352-358.
2. Pour plus d'informations sur le rôle du plaignant, voy C. Matray, « La place du plaignant dans une procédure disciplinaire au barreau », in Pourquoi Antigone ? Liber amicorum Edouard Jakhian. La déontologie, en particulier celle de l'avocat, Bruxelles, Bruylant, 2010, pp. 347-363 ; J. Bigwood, R. De Briey, F. Bruyns, C. Dalne, M. Ghislain, E. Thiry, X. Grognard et A. Vergauwe, « La discipline des avocats. Chronique de jurisprudence (2006-2011) », J.T., 2012, liv. 6481, pp. 449-460.
3. Article 458 du Code judiciaire.
4. Article 459, § 2, al. 3 du Code judiciaire.